Marc Dugain réussit, avec une économie de moyens, une admirable et crépusculaire adaptation du roman de Balzac. Olivier Gourmet et Joséphine Japy composent, avec subtilité, deux magnifiques personnages, autour de la soif de possession et du désir d’émancipation.
Grand amateur d’Histoire, Marc Dugain, scénariste, réalisateur et coproducteur, s’engouffre dans ce tableau de la vie provinciale que vient troubler l’arrivée inopinée du neveu de Grandet, dépêché de Paris. Son frère, ruiné, vient de se suicider. Le gandin mesure l’écart entre les élégances parisiennes et l’étroitesse de ces existences que le père Grandet obscurcit par la rudesse de ses manières. La présence de ce beau jeune homme, si différent, venu d’ailleurs, ne peut que troubler le cœur solitaire d’Eugénie…
Fidèle à l’environnement, aux vêtements, aux mœurs de l’époque, scrupuleux sur les détails et les atmosphères, Marc Dugain modernise le roman, lui insuffle, par petites touches, des accents très actuels, avec une coloration romantique et féministe. Ce film à costumes, tourné dans les décors naturels et les intérieurs sombres que décrit Balzac, baigne dans une symphonie de clairs-obscurs d’automne, de teintes d’enfermement, que rehausse le travail sur les lumières, très pictural, de Gilles Porte, le chef opérateur.
Un art de la suggestion
Cet art de la suggestion se retrouve dans le jeu magistral, tout en retenue, d’Olivier Gourmet, imposant, solide et stable, contenant sous un grand calme apparent une fureur épidermique. Il se détourne de la figure habituelle de l’avare pour composer un caractère subtil et complexe dévoré par la folie de la possession, l’or autant que les êtres.
Prisonnier de sa névrose, il ne raisonne et n’agit qu’en termes de force et de calculs, indifférent aux effets dévastateurs de ses compulsions. La pureté du visage de Joséphine Japy, dans ses attentes comme dans ses désillusions, illumine, merveilleux contrepoint d’ouverture, ce drame social et sentimental. Autour de ces deux comédiens gravitent les autres personnages servis par une distribution exemplaire : Valérie Bonneton, Nathalie Bécue, François Marthouret, Bruno Raffaelli, César Domboy.
Dans sa propre étude de mœurs, Marc Dugain s’éloigne de la conclusion du roman. Il offre à Eugénie Grandet, trahie et abandonnée, condamnée par Balzac à la résignation, une évasion, une émancipation, une liberté souveraine, aux résonances très contemporaines, qui l’arrachent à l’asservissement de son père, de ses origines, et de sa condition de femme.
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Marc Dugain, écrivain et cinéaste à succès
♦ Romancier, auteur d’une quinzaine de livres, dont :
2001. La Chambre des officiers, plus de vingt prix littéraires, dont le prix Roger-Nimier, adapté au cinéma par François Dupeyron
2002. Heureux comme Dieu en France
2005. La Malédiction d’Edgar
2007. Une Exécution ordinaire (grand prix RTL Lire)
2010. L’Insomnie des étoiles
2012. Avenue des géants
2014-2015-2016. L’Emprise (trilogie)
2017. Ils vont tuer Robert Kennedy
2021. La Volonté
♦ Réalisateur
2010. Une exécution ordinaire
2011. La Bonté des femmes
2013. La Malédiction d’Edgar
2018. L’Échange des princesses
[Source : http://www.la-croix.com]