Archives des articles tagués Sexualidad

De l’ex-Yougoslavie jusqu’à la Russie contemporaine, les auteurs d’Europe centrale n’ont cessé d’écrire les crises successives de la région à travers la petite histoire. Plongée dans une littérature encore trop peu connue.

Couvertures des livres d’Andreï Guelassimov, Chamil Idiatoulline, Mark Thompson, Ivo Andrić et Reiner Stach. | Montage Slate.fr

Écrit par Sylvain Boulouque — édité par Léa Polverini 

Pour comprendre l’Europe centrale et orientale, il peut être utile de passer par des détours littéraires susceptibles de restituer son caractère foisonnant, son esprit parfois loufoque, et sa réalité souvent tragique.

«Kafka – Le temps des décisions»

L’un des maîtres en la matière a été Franz Kafka. La trilogie biographique que lui consacre Reiner Stach est à la fois une analyse passionnante de la vie et de l’œuvre de l’écrivain de l’absurde, et une mise en abyme de l’Europe centrale. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un récit chronologique, mais d’une analyse chrono-thématique des principaux aspects de l’œuvre de Kafka.

Stach s’intéresse dans son premier volume aux écrits de jeunesse de Kafka. Docteur en droit, né dans le quartier juif de Prague en 1883, ce dernier se lance en parallèle dans une carrière d’écrivain. À 29 ans, il publie son premier livre, Le Verdict, nouvelle à clé sur la sexualité et la solitude dans la société pragoise des années 1910.

Très vite, Kafka écrit d’autres nouvelles, qui ne sortiront qu’à titre posthume, grâce à son ami Max Brod: seule La Métamorphose est publiée de son vivant. Le premier volume de la vaste biographie que lui dédie Reiner Stach permet d’entrevoir la complexité d’une écriture à la fois libératoire et carcérale, ancrée dans les tourments d’époque de l’Europe centrale.

Kafka – Le Temps des décisions (Tome 1)

Reiner Stach

Le Cherche midi

960 pages

29,50 euros

Parution le 9 mars 2023

 

 

«La Chronique de Belgrade» et «Extrait de naissance»

Plus à l’ouest, Ivo Andrić et Danilo Kiš sont des figures majeures de la littérature d’ex-Yougoslavie. Andrić d’abord: prix Nobel de littérature, son Pont sur la Drina, publié en 1945, évoque l’harmonie entre les communautés. Le recueil de textes inédit La Chronique de Belgrade, qui sort aux éditions des Syrtes ce mois-ci, traduit par Alain Cappon, est un texte historico-littéraire. Il témoigne des ambiguïtés humaines et de la complexité de la situation politique et interethnique dans la capitale serbe.

Portrait de sa ville, c’est aussi une analyse des gens de peu qui cherchent à s’accommoder des contraintes du temps: l’occupation austro-hongroise d’abord, puis allemande. Il évoque également la libération du pays. La joie, mais aussi en filigrane les souffrances liées à la dictature qui se met en place, souvent oubliées en raison de la place à part que la Yougoslavie de Tito a eue dans le système communiste.

La Chronique de Belgrade

Ivo Andrić

Traduit du serbe par Alain Cappon

Les Syrtes

22 pages

21 euros

Paru le 3 mars 2023

 

 

Danilo Kiš poursuit en quelque sorte l’œuvre d’Andrić. Il est à la fois monténégrin et juif de Serbie. Une partie de sa famille est déportée. Kiš décrit lui aussi l’enfermement imposé par le régime communiste de Tito. Né en 1935, il réussit à s’installer en France en 1962, où il enseigne le serbo-croate. L’historien Mark Thompson, qui lui dédie une biographie, Extrait de naissance – L’Histoire de Danilo Kiš, s’est inspiré d’un fragment autobiographique rédigé par Kiš lui-même à la demande d’un éditeur américain.

S’étant installé en France dans les années 1960, Kiš avait amorcé une autobiographie familiale restituant le destin des peuples formant la Yougoslavie. Sa soif de liberté et sa passion lui permettent de montrer l’absurde des situations bureaucratiques. Enfin et surtout, il publie Un tombeau pour Boris Davidovitch sur l’URSS, qui exalte la lutte pour la liberté des Soviétiques, et dénonce la terreur stalinienne. Son goût pour la liberté et sa capacité à la mettre en récit font de Danilo Kiš l’un des principaux auteurs de l’ex-Yougoslavie, et l’une des principales figures de la dissidence littéraire en exil.

Extrait de naissance – L’Histoire de Danilo Kiš

Mark Thompson

Noir sur Blanc

608 pages

26 euros

Paru le 2 février 2023

 

 

«Ex-rue Lénine» et «Purextase»

Sous le régime soviétique, les deux romans qui suivent n’auraient pas passé le cap de la censure. Mais la Russie a changé, et la littérature, pour le moment, ne passe pas encore sous les fourches caudines de la censure poutinienne. Purextase d’Andreï Guelassimov, traduit en français par Raphaëlle Pache, et Ex-rue Lénine de Chamil Idiatoulline, traduit par Emma Lavigne, décrivent la décomposition de la Russie contemporaine.

Le premier roman invente un rappeur confronté au passé post-soviétique. Alors qu’il est en tournée en Allemagne, il croise Mitia, qui le fait replonger dans le Rostov-sur-le-Don des années 1990, époque de tous les possibles pour la Russie: les longues descentes après l’addiction aux stupéfiants, les mafieux en tout genre, prêts à tout monnayer, à tout acheter et à tout vendre…

Le héros, nommé «Pistoletto», se prête au jeu avant de réussir à s’enfuir, quittant l’univers de la drogue pour celui de la musique. Il devient alors Tolia, qui observe la décomposition de ce monde, et finalement Booster, qui sort de l’ornière, cherchant à offrir le meilleur de lui-même.

Purextase

Andreï Guelassimov

Traduit du russe par Raphaëlle Pache

Les Syrtes

344 pages

23 euros

Paru le 6 janvier 2023

 

Chamil Idiatoulline décrit lui aussi l’état de la Russie contemporaine, à travers une petite ville inventée, Tchoupov, d’où se dégage une odeur pestilentielle. Là-bas encore, c’est la pollution et le délabrement qui dominent. La corruption est directement responsable de l’état de la Cité. Pour lutter contre cette situation, l’un des héros, Danill, tente de se présenter à la mairie. Il doit composer avec l’héroïne, Léna, qui veut imposer par la citoyenneté retrouvée une vie nouvelle. La complémentarité entre les deux destinées de ces personnages laisse entrevoir un avenir moins sombre… La littérature permettant d’espérer.

Ex-rue Lénine

Chamil Idiatoulline

Traduit du russe par Emma Lavigne

Noir sur Blanc

380 pages

24 euros

Paru le 2 février 2023

 

 

[Source : http://www.slate.fr]

Escrit per BIEL FERRER

Somriu cada vegada
que una altra cosa d’ella
mereix un amor teu.
Somriu quan tu surts d’ella
i es torna a cloure intacta.
Somriu d’una tendresa
que no us suplicarà
(tu, amb el teu món àvid)
que li’n digueu bondat,
i a penes endevines
com s’absorbeix. Encara
li cal sumar-se. Encara
va naixent el seu cos.

Sempre m’ha fascinat l’habilitat de Gabriel Ferrater per a fer poesia eròtica de la millor, és a dir, per a insinuar els moviments dels cossos abans, durant i després del coit o de qualsevol altra pràctica sexual i extreure’n una lliçó moral. El poema « Kore » (que vol dir noia en grec clàssic) forma part del seu tercer recull de poemes, ‘Teoria dels cossos’, de l’any 1966, i el va salvar de la foguera de Sant Joan que va fer quan va publicar la seva obra poètica completa i triada l’any 1968 amb el títol ‘Les dones i els dies‘.

Se n’ha dit i escrit moltes coses, d’aquest poemet (el diminutiu, el faig servir perquè és curtet, però per res més). En acabat, ja en diré la meua, de cosa; de moment, en diré que el que en comenta l’Enric Blanes al seu blog « Un fres de móres negres », que és un pou de sapiència gabrielferrateriana, ho trobo molt encertat quan afirma, per exemple, que els versos « Somriu quan surts d’ella / i es torna a cloure intacta » tenen més gràcia si un pensa que Ferrater es refereix als llavis del sexe de la dona. És clar. El cos, el mot, s’hi esmenta al final, a manera d’epifonema: de fet, n’hi ha dos, de cossos, el d’ell (l’home madur) i el d’ella (la dona jove). La forma verbal « somriu » és tal vegada un imperatiu i s’ho diu el jo poètic a ell mateix, però també podria ser la narració del que fa ella: en aquest cas, una noia que calla i somriu (mentre assaboreix i pensa l’instant de plaer; del (som)riure de les dones de Gabriel Ferrater, en sap un munt la Roser Casamayor de Bolós), o una noia que parla dels seus orgasmes (en el cas del poema « Kensington »), com bé diu el Blanes i jo dono suport a la lectura que en fa, ‘of course‘. D’ell, del Biel Ferrater, « (tu, amb el teu món àvid) », i d’ella, la Lena Valentí, que « Encara li cal sumar-se », també n’ha parlat molt profundament Gerard Cisneros. Potser només cal afegir aquell aforisme que Ferrater va deixar tan ben escrit sobre la qüestió, sobre les relacions, a tall de moralitat: « Complicar l’amor amb la vida o fer-ne una festa. Són les dues escoles ».

Aquest poema em va tornar a venir al cap quan vaig llegir això tan cruel i tan covard alhora que ha passat amb el programa d’educació afectivo-sexual « Coeduca’t », uns quants materials del qual VOX ha aconseguit de fer-los-en retirar al Departament d’Educació de la Generalitat de Catalunya. La culpa no és pas de VOX (aquest partit d’ultradreta espanyolista fa el que diu i diu el que fa per tal d’aconseguir els seus objectius: « La Generalitat promueve el consumo de pornografía entre niños de 8 años » i « La Generalitat promueve que tu hijo de 12 años tenga sexo oral », diu el pamflet que vaig trobar-me’n a la bústia de casa meua), sinó dels covards polítics del govern català, incapaços de defensar res, tampoc l’ús d’uns materials educatius imprescindibles per als nostres infants i joves, que volen viure la sexualitat amb gaudi, plaer, llibertat, coneixement i responsabilitat. Perquè és també de tot això que el poema parla quan diu, al final, que « Encara va naixent el seu cos ». Encara més quan sabem coses com aquesta que darrerament les infeccions de transmissió sexual augmenten en adolescents catalans i que les clamídies i les gonorrees són les més freqüents i, ja a més distància, la sífilis.

Que la sexualitat és una forma més de comunicació (física) i que cal gosar poder expressar-la amb llibertat personal, consentiment mutu i coneixement emocional alhora és evident: la llibertat a què els cossos tenen dret, la materialitat de què som fets elevada fins a l’ànima a què aspirem gràcies al legítim hedonisme amb la nostra costella o amb qui sigui i la sapiència que hom adquireix amb l’experiència però també amb la cultura que els humans hem edificat gràcies a la nostra sensibilitat i la nostra intel·ligència. Per això, a més de la poesia eròtica de Ferrater a « Kore », em plau fer propaganda d’una cadena catalana d’establiments que es diu Dàlia (quin nom més ben trobat: la flor que el poble asteca, a més d’utilitzar-la com a planta ornamental i com a aliment per al bestiar, sabia que posseïa nombroses propietats medicinals).

Dàlia es defineix com « el teu espai d’educació, salut i benestar íntim », s’expressa desacomplexadament en llengua catalana i ja compta amb desinhibits establiments a dues capitals comarcals i de vegueria catalanes: al número 80 del carrer Major de Lleida i al número 22 del carrer de Santa Clara de Girona. Ben aviat també serà al número 25 del carrer de Monterols de la capital del Baix Camp, Reus, i a la capital de la nació, Barcelona (concretament, al Poblenou i Gràcia), per tal d’alliberar els barcelonins i tots els catalans dels tabús i de la desinformació de què som víctimes. L’artífex d’aquesta meravella empresarial és el jove emprenedor d’on la tenen Ferma, la Terra, Marc Santamaria Bonet, graduat en ADE per la UPF, ben acompanyat per la competent sexòloga Montserrat Iserte Jené.

Llegiu, doncs, la sàvia poesia eròtica de Gabriel Ferrater, que ens hi convida, ens hi exhorta, a gaudir-ne, del « Joc » (perquè així es diu el poema amb què clouré aquest escrit, homònim d’aquesta joia barroca que sona així de bé gràcies a la viola de gamba de Jordi Savall) i aneu-hi, a les botigues de Dàlia, a adquirir la cultura sexològica que tanta falta ens fa i que, dissortadament, encara ens manca, ens neguen:

Pots jugar amb el seu cos,
que és jove i riu, i vol
el joc, i no n’ha tingut prou.
Encara creus que en tu hi ha vici?
Mostra el teu vici. Dóna’t
sencer. Si te l’estimes,
no li ofeguis aquest tremolor:
la curiositat del cos, que tu
fa massa temps que en dius desig.

 

[Font: http://www.racocatala.cat]

Soixante-douze ans après sa mort survenue le 19 février 1951, André Gide demeure au panthéon des grands auteurs français. Si on le reconnaît volontiers homosexuel, sa pédophilie pourtant notoire suscite toujours les pudeurs mal placées de la critique.

André Gide en 1915, photographié par Jacques-Émile Blanche. | Fondation Catherine Gide via Wikimedia Commons

Écrit par Léa Polverini — Édité par Thomas Messias 

Dans un journal intime désormais perdu, André Gide racontait les «délices» de la piscine de Rochechouart, avec sa petite pièce obscure «où se passaient les choses les plus agréables, pleine comme elle était de jeunes garçons de 13 à 18 ans». Gide ne s’est jamais caché de ses relations avec des enfants ou de jeunes adolescents qu’il confesse à longueur d’autobiographies, alors même que la loi criminalise déjà à l’époque ce qu’elle qualifie d’«attentat à la pudeur sans violence», sur les mineurs de moins de 13 ans d’abord, et à partir de 1945 sur ceux de moins de 15 ans. Au-delà de cette limite, ces rapports n’étaient pas jugés criminels alors; tout au plus étaient-ils considérés comme une déviance.

Monument de la littérature française, canonisé en ses œuvres complètes dans la Pléiade, Gide échappe pourtant aux radars de la critique dès lors qu’il s’agit de qualifier ses actes pédophiles, qui seraient aujourd’hui caractérisés comme relevant de la pédocriminalité: l’euphémisation est toujours de mise pour romantiser les relations sexuelles qu’il entretient tout au long de sa vie avec de jeunes garçons.

En 2002, Gallimard exhumait l’un de ses très courts textes, encore jamais publié. Il s’agissait d’une nouvelle érotique, retrouvée par sa fille Catherine, laquelle signait pour l’occasion un avant-propos saluant la candeur d’un «récit initiatique tout en nuances, pudique», plein de «fraîcheur et de poésie». Ce texte, Le Ramier, raconte les ébats de Gide, alors âgé de 38 ans, avec Ferdinand, un jeune garçon de 17 ans, auquel l’écrivain prête encore deux ans de moins.

Pas une seule fois le mot «pédophilie» n’est employé dans le commentaire critique qui encadre le récit. On lui préfère la docte «pédérastie», aux origines antiques plus nobles, qui permet d’intellectualiser l’affaire en restant sur le terrain de la culture et de la sensualité –précaution symptomatique de l’omerta qui frappe la pédophilie. Dans sa préface, Jean-Claude Perrier se pique d’ailleurs de fustiger les «bien-pensants de tous horizons, qui prenaient prétexte de ses mœurs, de ses confessions, pour vouer son œuvre à l’index».

Il n’est pas de bon ton de s’attaquer aux icônes, et Gide en est une, qui a tant fait pour les lettres et la cause homosexuelle. De fait, c’est le premier auteur français à revendiquer explicitement son homosexualité, tandis que Proust le mettait en garde: «Vous pouvez tout raconter, mais à condition de ne jamais dire: Je.» Qu’à cela ne tienne, Gide ouvre son autobiographie Si le grain ne meurt sur l’évocation de ses pratiques masturbatoires et la découverte du plaisir, partagé sous la grande table du salon avec le fils de la concierge. Il n’aura de cesse d’utiliser son homosexualité pour déranger l’ordre bourgeois, qu’il juge trop moralisateur et sclérosé.

Gide en défense de la pédérastie

Pour Gide, l’affirmation de son homosexualité va s’articuler avec une légitimation de la pédophilie. Il est d’ailleurs l’un des premiers à établir un lien –qu’il veut positif– entre les deux, et ce n’est que plus tard que la rhétorique homophobe intégrera cette association.

C’est dans les années folles que sont publiés Si le grain ne meurt et le fameux Corydon, dialogue socratique qui présente une «Défense de la pédérastie»: une certaine libération des mœurs commence à s’affirmer, qui concerne notamment la reconnaissance de l’homosexualité, mais les allures de confession de ses œuvres inquiètent.

«On lui reproche d’être un pourrisseur de jeunesse, mais ce n’est pas parce qu’il couche avec des jeunes enfants; c’est parce qu’il invite la jeunesse à se départir de sa moralité. Des critiques catholiques remarquent bien la distorsion qu’il y a entre un Gide pénétré de culture et d’interdits protestants, et celui qui ne cesse de défendre les “écarts à la norme évangélique”», explique Anne-Claude Ambroise-Rendu, professeure d’histoire à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, autrice d’une Histoire de la pédophilie.

«En réalité, ce qui choque, poursuit-elle, ce n’est pas tellement ce qu’il fait ou ferait, mais qu’il éprouve le besoin d’en parler: qu’est-ce que c’est que cette confession immorale, qui prêche le vice? Ce que Claudel lui reprochera, c’est son prosélytisme dans l’inversion, pas dans la pratique pédophile. La réalité de ce qu’il fait avec les petits garçons, tout le monde s’en fiche.»

Cette esthétisation du corps des enfants, qui va jusqu’à reprendre la rhétorique du divin, se retrouvera plus tard chez Gabriel Matzneff.

Pourtant, s’il existe un interdit pénal à l’époque, il ne vise pas l’homosexualité (dépénalisée depuis 1791), mais la pédocriminalité. «Si Gide avait dû être poursuivi, ça n’aurait pas été pour inversion mais pour “attentat à la pudeur sans violence”, ce qui est la qualification pénale créée en 1832 pour permettre de poursuivre et de condamner des agresseurs d’enfants, y compris lorsqu’ils n’ont pas usé de violence, menace, contrainte ou surprise. Cette loi correspond à l’invention du crime de pédophilie», rappelle l’historienne.

Mais Gide déplace la terminologie: il se fait le chantre de la pédérastie, à travers un éloge de la culture grecque antique dont la splendeur devrait rejaillir sur ses pratiques sexuelles. «Le “maître pédérastique” a une fonction d’éducation et d’élévation, de culture, et il y a une aspiration, sans doute fantasmatique de la part de Gide, à être ce maître éducateur, qui extrait l’enfant abîmé par la famille et lui redonne son corps», note Éric Marty, écrivain universitaire, spécialiste de Gide et à l’origine de la réédition de son Journal à la Pléiade.

Cette esthétisation du corps des enfants, qui va jusqu’à reprendre la rhétorique du divin, se retrouvera plus tard chez Gabriel Matzneff, lequel se sert en partie de l’œuvre gidienne pour légitimer ses propres viols, et pontifie sur l’expérience «hiérophantique» que constituerait l’acte sexuel avec un enfant.

Dynamiter la famille bourgeoise

La pédophilie vient alors recouper une forme de distinction sociale, et devient un élément de culture«À l’époque, le mythe qui circule est que les relations sexuelles entre adultes et mineurs sont le fait des classes populaires, des paysans arriérés, des ouvriers démoralisés… La nouveauté, c’est que Gide en fait une valeur, et que cette valeur est ce qui le distingue, à la fois parce qu’il le fait, et parce qu’il en parle, relève Ambroise-Rendu. La référence à l’Antiquité le situe à un étage supérieur de la hiérarchie de la distinction: comme c’est non normé, c’est une manifestation d’originalité et de liberté.»

Les intellectuels des années 1970 qui défendent la pédophilie s’inscrivent dans cette ligne. La collusion très transitoire de ce discours avec celui du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) s’explique par la volonté de défendre des sexualités alternatives, périphériques, non hétéronormées et non reproductrices, qui avaient un potentiel révolutionnaire considérable, dans la mesure où elles annonçaient une sexualité susceptible de dynamiter la famille bourgeoise et l’ordre moral.

Un certain nombre d’intellectuels homosexuels se sont saisis de cette rhétorique pour défendre la possibilité des pratiques pédophiles: ainsi de René Scherer, Tony Duvert, Hervé Guibert ou encore Guy Hocquenghem, qui posait dans Le Désir homosexuel la question du désir des mineurs, interrogeant la notion de consentement de l’enfant.

Le fait que la plaque commémorative de ce dernier ait été déboulonnée en septembre 2020 dans la foulée de l’affaire Matzneff montre bien qu’il est plus acceptable d’effacer les traces du militantisme LGBT+ dans l’espace public que de condamner un auteur comme Gide, consacré par les institutions. Par revers, Gide demeure un problème pour la culture gay, qui se voit obligée de négocier l’acceptabilité de ses plus grandes figures au détriment d’une condamnation univoque de la pédocriminalité.

Pour Anne-Claude Ambroise-Rendu, «le malentendu entre homosexualité et pédophilie s’est formalisé avec Gide, qui l’a finalement exploité parce que c’était plus commode comme ça». Alors que la sexualité était envisagée d’un point de vue exclusivement moral, la défense de la pédophilie s’est épanouie en s’inscrivant en faux contre le discours moraliste.

«Le grand alibi gidien de la pédophilie est le lien qu’elle noue avec l’Antiquité.»

                           Éric Marty, spécialiste d’André Gide

Assez paradoxalement, Gide n’aura de cesse de vilipender l’archétype de l’homosexuel efféminé, et avec lui ceux qu’il appelle «les uranistes honteux, les piteux, les plaintifs, les invertis, les malades», auxquels il oppose le «pédéraste normal», viril, volontiers misogyne. Contre le Charlus de Proust, vieux monsieur hystérique et masochiste, Gide veut faire valoir –non sans se contredire lui-même– une homosexualité dépouillée de culpabilité, au-delà de tout soupçon de perversion.

Le grand mythe pédérastique de Gide, c’est finalement le mythe de l’homme voleur d’enfant: celui qui pénètre la famille bourgeoise pour dérober l’enfant et lui redonner sa beauté. «On peut définir précisément l’éthique pédérastique de Gide comme suit: la famille bourgeoise enlaidit l’enfant, l’atrophie, en fait un corps sans chair, sans aucune vie, châtre l’enfant, et le rôle du prédateur, de l’homme, de celui qui va voler l’enfant, c’est de lui rendre sa puissance éros. Le rôle du pédéraste est précisément de redonner à l’enfant sa divinité érotique, que la mère et le père ont confisquée par une éducation sans sexe», décrit Éric Marty. D’où le célèbre «Familles, je vous hais!» des Nourritures terrestres.

Pour preuve de bonne foi, Gide développe un discours selon lequel seules les amours homosexuelles seraient véritablement désintéressées, puisqu’elles sont détachées de tout impératif matrimonial ou reproductif et ne visent qu’à la volupté –un argument déjà avancé par Oscar Wilde lors de son procès, qui ne suffit pas à convaincre les juges.

La Grèce, les colonies, les enfants

Wilde fut d’ailleurs l’une des rencontres décisives d’André Gide. Dandy flamboyant, d’abord approché avec méfiance, il l’entraîne rapidement en Algérie dans ses virées sexuelles –en réalité sa recherche de «jeunes Arabes beaux comme des statues de bronze»; des enfants.

«Gide raconte ses relations avec les jeunes Arabes de manière extrêmement libre, à partir de l’idée que l’Afrique du Nord, c’est la Grèce. Il retrouve dans les jeunes bergers des villages d’Algérie et de Tunisie avec qui il a des relations physiques ceux de Théocrite et de la Grèce antique. Le grand alibi gidien de la pédophilie est le lien qu’elle noue avec l’Antiquité», explique Éric Marty.

Ses nombreux voyages inspirent à Gide L’Immoraliste, court récit présenté comme une fiction mais qui reprend à l’évidence des éléments biographiques. D’Alger à Biskra, de Sousse à Tunis, Gide raconte à demi-mots ses relations avec des enfants de 12 à 15 ans. Il bénéficie là-bas de son statut pour exercer une forme de tourisme sexuel, qu’il partage avec un certain nombre d’intellectuels de l’époque comme Jean Genet, Roland Barthes, ou les auteurs de la Beat Generation. Dans le contexte de l’impérialisme français, la pédocriminalité entretient des liens étroits avec le colonialisme.

Gide parvient constamment à avancer dans l’espace social en faisant toujours reculer la morale qui pourrait le condamner.

«Gide exploite la chair des enfants d’Afrique du Nord comme les colons installés là-bas exploitent les ressources des pays colonisés. Avec la mauvaise foi dans laquelle il est englué, il est à la fois plein de remords et de culpabilité, qui transpirent dans toute son œuvre, et à la fois il en fait fi, ce qui lui permet de ne pas apercevoir dans quel système de domination il s’inscrit», commente Anne-Claude Ambroise-Rendu.

Alors même qu’il portera successivement dans Voyage au Congo et Le Retour du Tchad une critique sévère de la colonisation et de l’exploitation économique, Gide reste aveugle au même système d’exploitation des corps subalternes, arabes, qui lui profite en Afrique du Nord. «Son réquisitoire contre l’occupation du Tchad et du Congo s’inscrit dans un processus de désolidarisation du monde bourgeois. En revanche, son désir n’est jamais parasité dans le monde arabe par le poids du colonialisme. Il y a l’idée chez Gide que celui qui agit en toute innocence se libère des fautes sociales que la société tente de lui faire porter: celui qui assume son désir échappe à la fatalité de la faute de son univers social», estime Marty.

Le vernis du style

Nobellisé en 1947, André Gide demeure, aussi bien dans le monde académique que dans le débat public, un monstre positif de la littérature française, dont la pédophilie n’est souvent mentionnée qu’en passant, quand elle n’est pas tout simplement escamotée. À ce silence gêné de la critique, Éric Marty voit plusieurs explications:

«L’écriture de Gide se protège parfaitement par sa culture, par une langue très puissante, et par les couches culturelles qui se nouent en elle. La référence grecque est constamment là pour justifier ou esthétiser des choses qui auraient sans cela pu choquer. Ce qui protège Gide, c’est aussi surtout l’hypocrisie bourgeoise de la France de cette époque. Au fond, on préfère Gide dedans que dehors. On préfère l’intégrer et accepter les scandales virtuels qui sont au cœur de son écriture, plutôt que dévoiler ce qui est scandaleux. On lit L’Immoraliste, sans vouloir ouvrir complètement le livre dans ce qu’il peut contenir de choquant. C’est une grande puissance de Gide, de parvenir constamment à avancer dans l’espace social en faisant toujours reculer la morale qui pourrait le condamner.»

Cette stratégie sociale d’écriture s’est naturellement accommodée de la complaisance et des compromissions de ses contemporains comme de ses successeurs, embourbés dans une culture du viol tenace, et un mépris séculaire des droits des enfants. De Gide, on préfère retenir l’audace sublime de Lafcadio dans Les Caves du Vatican, ou la médiocrité touchante d’Olivier dans Les Faux-Monnayeurs, les implications éthiques de son œuvre étant rejetées dans la sphère du sensationnalisme médiatique et des querelles militantes. Pourtant, l’enracinement de son œuvre dans sa propre vie et dans un système politique plus large ne saurait être balayé d’un revers de main.

«La réalité, c’est qu’on s’en moque, des enfants, tranche Anne-Claude Ambroise-Reclus. On est dans un cadre culturel qui est celui de la domination masculine: oui, il est à peu près clair pour tout le monde que le corps des femmes et des enfants est à disposition des hommes. Les difficultés de sanctionner le viol des femmes adultes jusqu’aux années 1980 montrent bien qu’on est dans ce cadre-là: personne n’arrive à considérer qu’un viol, c’est vraiment grave.»

Les années 1980 sont précisément le moment de bascule dans le traitement des violences sexuelles: on passe d’une réprobation morale des actes des agresseurs à une appréhension en tant que dommages infligés aux victimes. La parole de ces dernières commence alors à être écoutée. Mais évidemment, on lui donne rarement l’autorité qui précède la prose ciselée d’un Gide.

 

[Source : http://www.slate.fr]

C’est le grand roman de la rentrée littéraire d’hiver : Femmes sur fond blanc, de Jean-Noël Orengo, Prix de Flore 2015. Le déclin de l’Occident d’une part, hymne à l’amour du Sud-Est asiatique d’autre part. Âme sensible, s’abstenir.

Jean-Noël Orengo

Propos recueillis par Vincent Jaury

C’est un torrent de boue et d’amour. Côté boue : l’Occident, la bourgeoisie progressiste, le Woke, la collective dépression, bref, l’Occident, pour Orengo, c’est le déclin, c’est la poubelle, c’est la pourriture ; côté amour : l’Asie du Sud-Est, la Thaïlande, les prostitués du pays, les ladybars, les ladyboys, les Belles de Bars, les punters, les hookers, les Américains, etc. des paysages à la culture ancestrale, un éden, un fantasme, l’art en beaucoup plus fort.

Le torrent ? C’est son style, qui jamais ne languit, qui toujours va de l’avant, à une vitesse et un muscle stupéfiant. Son baroquisme est un ouragan, il vous emporte loin de chez nous. Chez nous ? le pays de Descartes, du classicisme, de la ligne claire, de la tenue, de la retenue, de la rétention. C’est une plongée à forte prolifération à laquelle nous invite Jean-Noël Orengo avec Femmes sur fond blanc. Une plongée thaïlandaise où les lois n’en sont pas, où les blancs sont immoraux, où les prostituées apparaissent comme des déesses venimeuses et alléchantes. C’est une littérature de l’excès, du grand débordement. Une radicalité de perception comme cette pensée sur la vie, sans clair-obscur : « Dessiner ou peindre un cerveau, c’est montrer d’un côté le camp de concentration, de l’autre le film pornographique. Ce sont les deux vrais lobes continentaux de cet organe, et nous oscillons sans cesse de l’un à l’autre. C’est ce qui nous unifie en un seul peuple, c’est ce qui fait de nous des frères et des sœurs quels que soient nos peaux, nos histoires, nos croyances, nos lieux : d’un côté le camp de concentration où l’on torture les êtres qui nous déplaisent ; de l’autre le film pornographique où l’on couche avec ceux qui nous subjuguent. Les gens dans la rue, les inconnus ou les familiers, soit on les désire, soit on les détruit ; soit on les aime, soit on les hait ; soit on les baise, soit on les tue. »

Vous aimez ce passage ? Vous aimerez ce livre. Vous trouvez ça too much ? Passez-votre chemin, ce livre vous brûlera les mains.

L’histoire est une chronique ; celle de Paul Gauguin, peintre contemporain qui vit pour l’art, pour l’Asie, pour les jeunes filles. Il peint, il baise, il contemple. Il peint des jeunes filles, des muses, des inspirations divines, a de sublimes élans créateurs. Le retour à Paris en 2019 fait mal. Il organise une dernière exposition en galerie, mais tout a changé ici : l’art est devenu moral ; l’art est sous étroite surveillance. Le déclin est là, avant tout là.

À lire ce roman, il n’y a pas à dire « c’est bien ou ce n’est pas bien », un lecteur doit suspendre son jugement moral. On est bien heureux qu’un écrivain nous décrive de l’existant, des hommes et des femmes vivants d’aujourd’hui ; on est bien heureux de les voir de près, ces putes, ces mecs qui s’enfuient de France parce qu’ils n’en peuvent plus de leur vie ratée ; on est bien heureux de suivre donc, de près, de très près ce Paul Gauguin à Bangkok, cet esthète de la fange, du crade, de la souillure, du sacré, du beau et de l’extase. Les sentiments nobles abondent dans la littérature française contemporaine. Il est nécessaire d’aller voir du côté de l’honteux, de l’avilissant, de l’inavouable. Nos vies ne sont-elles pas toutes, traversées par de l’ignoble ? Ce miroir fracturé que nous tend Orengo est salvateur ; l’humaine condition se rééquilibre l’instant de la lecture du livre. Nous sommes des humanistes, des gens bien, mais des salops aussi. C’est ce que nous rappelle avec brio un des grands écrivains français d’aujourd’hui.

Entretien avec Jean-Noël Orengo

Vincent Jaury : Pourquoi avoir appelé votre personnage principal Paul Gauguin, comme le célèbre peintre de la fin du XIXe siècle ?

Jean-Noël Orengo : Mais c’est réellement Paul Gauguin ! Je crois que si l’on pense activement à une figure, elle renaît. On peut lire ce roman comme une uchronie en histoire de l’art. Mais c’est autant une réincarnation. Un retour à la carne, la chair. Paul Gauguin ne naît plus en 1848 mais en 1968. Sa vie se déroule entre ce qu’on appelle la révolution sexuelle et la cancel culture, car le roman s’arrête en 2020, au moment du confinement mondial. Il vit en Thaïlande depuis 1995, comme Gauguin s’est installé en Polynésie. Son univers est moins spatial que temporel : c’est la Nuit Thaïlandaise. Je cape, car c’est un nom propre et royal, une sorte de règne ou de dynastie, comme on dirait le Haut Empire, ou bien les Valois. Et dans cette Nuit Thaïlandaise, il y a une aristocratie de rue, une armée de prostituées, de putes, comme on les nomme. Personnellement, je ne les appelle plus ainsi. J’euphémise, j’hyperbolise sans complexe, je blase à l’humeur et aux sentiments. C’est mon côté politiquement ou sexuellement correct. Je les appelle filles ou femmes de la nuit, danseuses, belles de bar, princesses de sang contaminé, mais surtout et d’abord par leur prénom : Tippawan, Chanya, Porn… Leur métier, leur art, leurs peines, leur martyre, leurs joies, leurs fêtes sont indicibles, sauf quand je commence par prononcer Chanya, Tippawan, Porn, et alors se déroulent en rouleaux, en paravents, leurs histoires réelles que je connais bien pour les avoir vécues et entendues. Tippawan, Chanya, Porn… Des milliers de noms brillant de significations labyrinthiques, car ainsi sont les noms thaïs qu’ils conservent affleurante, leur étymologie, tandis que les nôtres, c’est plus abstrait, il faut creuser pour savoir que Lucien vient de lumière par exemple. Et donc mon Gauguin a subi le silence et la haine comme le Paul Gauguin des manuels né en 1848. Car voilà l’une des origines de ce livre : depuis 2017, Paul Gauguin est devenu le symbole de « l’homme blanc fétichisant la femme non-blanche », le symbole de l’artiste criminel se « réappropriant » une région du monde, la Polynésie et par extension les Tropiques, pour en faire son obsession. Et comme il a épousé Tehura, treize ans, il est devenu pour une certaine presse et certains courants dominants, le meanstream universitaire et médiatique, l’archétype du « touriste sexuel pédophile blanc » – manque de bol aujourd’hui, l’écrasante majorité des « touristes sexuels » en Asie du Sud-Est sont indiens, chinois, coréens et japonais –, dont l’art est un alibi pour sa délinquance. Par exemple, le New York Times a titré Is time Got Canceled à propos d’une série d’expositions en Amérique du Nord et en Angleterre durant l’année 2019. En 2017, c’est le magazine Jeune Afrique qui a lancé les hostilités à propos du film Gauguin – Voyage de Tahiti, avec Vincent Cassel et Tuheï Adams, en titrant La pédophilie est moins grave sous les tropiques. Le meanstream, la bourgeoisie universitaire et médiatique le considère ainsi. Ce fut pour moi un sujet de choix mais insuffisant. C’est certes un sujet de choix que la bourgeoisie actuelle, qui a troqué le Christianisme frelaté du XIXe pour le Progressisme et ses prétendues valeurs « inclusives », se focalise sur un artiste mort en 1903, et réduise son œuvre aux circonstances de sa vie. Tehura, personne ne se souviendrait d’elle si Gauguin ne l’avait pas peinte et dite dans Noa Noa, peinte et dite avec amour et respect dans ses toiles et ses pages. Mais c’est insuffisant. La polémique Gauguin s’est vite révélée superficielle, un simple effet de surface par rapport aux histoires à raconter. Si Gauguin est un archétype de quelque chose, c’est celui de l’individu fuyant son continent de naissance, disons l’Europe moderne, l’Europe industrielle et positiviste de la fin du XIXe siècle pour un « ailleurs », qui n’avait de sens que pour lui, certes, l’Européen moderne. Mais ça pourrait concerner n’importe quel être de n’importe quel continent se rendant dans un autre. C’est une illusion constructive, et non une déconstruction illusoire. C’est une quête, un rapport sentimental extrême à la géographie, et à un point précis de celle-ci à l’exclusion des autres. C’est une oscillation sentimentale extrême entre son lieu de naissance, que l’on subit, et celui de sa renaissance, que l’on désire et prémédite. Je ne dis pas que tout le monde l’éprouve, je dis que certains d’entre nous l’éprouvent et que c’est inexplicable, ça se vit, ça se sent. Ce sont d’extrêmes sensations. Gauguin haïssait – car c’est bien de haine qu’il s’agit – son lieu de naissance, pour aimer – car c’est bien d’amour qu’il s’agit – un lieu lointain. Cela n’a rien de positiviste, de rationnel, de réductible à une explication sociologique, ou économique, ou sociale, et encore moins « racialiste », pour parler le contemporain. Gauguin pour moi, c’est devenu comme Stendhal et Œdipe, c’est le nom d’un syndrome, d’un complexe. Quelle chance de donner son nom à une maladie parlant d’amour et de géographie ! Syndrome de Gauguin, et j’espère un jour, après ma mort, car je suis très ambitieux, et j’ai l’impression que je serai un auteur post-mortem, vu les ventes et la mise en place en librairie, syndrome d’Orengo ! J’espère rejoindre cette famille des grands malades de l’amour et de la géographie. C’est pas faute d’essayer !

VJ : De quel milieu vient votre Paul Gauguin ?

JNO : Aux États-Unis, on appelle ça les White Trash, les Rednecks. Mon Gauguin vient de là parce que j’en viens moi-même. Les sociologues parlent de « milieux populaires », Karl Marx de lumpen-prolétariat… En fait, peu importe le nom, le concept, la notion. Je n’y ai jamais totalement crû. Cette conceptualisation participe d’une manière de penser qui m’est étrangère. Et puis ces « classes populaires », ce lumpen-prolétariat, ce sont des zones floues. Et elles sont plus exaltantes que les cellules Excel où l’on trimbale les gens actuellement, par exemple à travers ces oppositions stupides dominant/dominé. C’est très petit-bourgeois de réfléchir de cette manière. Et la France est devenue un grand pays petit-bourgeois, avec une littérature pour centre-ville petite-bourgeoise. Et il faut admettre qu’elle devient universelle, cette petite-bourgeoisie. Dominant/Dominé, Blanc/Non-Blanc… On dirait Bouvard et Pécuchet faisant de la sociologie. La lutte des classes mérite mieux que cet embourgeoisement conceptuel de la lecture sociale. Donc oui, mon Gauguin vient de là, d’une famille très forte parce que dehors, il n’y a rien qui vaille, et qu’au-delà des arrières-grands-parents, la mémoire familiale se perd, les racines n’existent pas, c’est un univers de légende, et Dieu vaut mieux que les sciences, encore plus lorsqu’elles se prétendent « humaines ». Il vient de là et donc du néant social. Socialement il n’est rien, mais par l’adoption et la diaspora, il deviendra tout. Il se sent élu par la peinture, il se veut ou se sait peintre, il adopte la peinture et la figure de peintre, car il est peintre avant d’être qui que ce soit d’autre. Il vient de là au fond. Il vient de l’Art, c’est un anonyme au service d’un flux gigantesque, d’un mouvement sans mesure possible qui se nomme l’Art. On est au début des années 1990, et durant plusieurs années, il se forme auprès de gens pour qui l’art, la musique électronique et l’homosexualité fusionnent dans un quotidien très nocturne, à base d’errance d’un atelier à un bar, d’un bar à un club, d’un club à des pissotières de gare, des jardins publics, des sexshops avec leurs sous-sols remplis de cabines aux parois percées de glory hole. Il évolue là-dedans parce que j’ai moi-même évolué là-dedans. L’art, la musique électronique et le monde gay m’ont éduqué, ce sont les trois chapitres de mon bildungsroman. Ce sont des cadences, des rythmes, une sorte de versification de l’existence à base de rencontres, d’instants vécus sous l’angle de L’Épiphanie joycienne où la création et le sexe – l’amour – procurent des sensations similaires et se nourrissent l’une l’autre. Je suis hétéro, le corps masculin ne m’attire pas, le corps féminin totalement, le corps masculin m’attire donc quand il cesse d’être tel, quand il se fait opérer pour devenir une femme, mais le mode de vie homo de ces époques, totalement asocial, irréductible au mariage et au quotidien des hétéros, m’est apparu comme l’image même d’une existence au service de l’art, qui a besoin de cette rudesse, de cette solitude pour s’épanouir. L’Asie du Sud-Est offre à tout le monde, hétéro ou homo, ce qu’un sauna n’offre que de manière partielle, fermée, minuscule, à une certaine catégorie d’hommes. C’est une vie morale, une éthique monacale, car très solitaire. Le corps d’autrui est une matière première. Il y a une matière fille, une matière féminine faite de toutes les femmes possibles, femmes natives ou transsexuelles, quelle que soit leur physiologie, et de cette matière première peut surgir une œuvre, des œuvres. Vivre son hétérosexualité comme un homo. Et l’Asie du Sud-Est, avec tous ces êtres disponibles, pour qui la vie n’est qu’une parmi d’autres prises dans le Samsara, le cycle des renaissances innombrables dont on se libère peu à peu, est le territoire bien réel de ce mode de vie, de cet art existentiel de l’instant et de la rencontre à haute dose, dans l’anonymat et la réinvention de soi, de Bangkok à Manille, Pattaya, Phnom Penh, etc. Et bien sûr, très vite, un conflit surgit entre cette solitude et la volonté de faire durer l’instant avec quelqu’un comme soi, quelqu’un d’instable. Une femme boussole et une seule, qui devient le repère de cette errance. Voilà d’où vient Gauguin, ce qu’il est et où il va. C’est un flux et non un point d’origine et un point d’arrivée.

VJ : Pourquoi avoir choisi un peintre comme personnage principal, et non un écrivain, un cinéaste ou autre ?

JNO : Jusqu’à mes vingt-cinq ans à peu près, j’ai tenté de devenir peintre. Peintre dans le sens contemporain du mot. Ça ne passait donc pas forcément par de la peinture, même si je peignais. Je dessinais encore plus. J’ai échoué. Je n’avais pas le talent nécessaire et la croyance en soi nécessaire pour y arriver. Je parle ici de peinture au sens très large du terme, cette peinture pouvant inclure la sculpture, l’objet, les trois dimensions, l’installation, le film, le son… Cette peinture-là, peinte sur toile dans la plus pure tradition ou peinte à coups de caméras et d’objets singuliers, incarne l’art majeur pour moi. Certains de mes projets sont passés dans le livre. Celui de l’horloge filmique par exemple, une caméra – ou plusieurs – tournant sur elle-même chaque seconde dans un lieu, avec le résultat projeté sur un mur de ce lieu. Peut-être arriverais-je un jour à réaliser cette installation ? Imaginez ça dans une gare, un aéroport, avec tous ces passages ? C’est un doux rêve, une illusion qui me console parfois. Je dessine encore, je vais parfois faire des nus à la Grande Chaumière… C’est une activité que je ne montre jamais. Donc évidemment, de ce point de vue-là, mon Gauguin est un double vengeur de mon ratage. Il est un avatar possible du jeune homme que j’étais.

VJ : Pourquoi avoir tenu coûte que coûte, malgré les problèmes que ça peut vous poser dans notre époque où la police de la pensée surveille et punit à tour de bras, que la fille peinte par votre personnage principal, soit mineure ?

JNO : Parce que le vrai Paul Gauguin a épousé Teha’amana, aussi appelé Tehura, lorsqu’elle avait treize ans. En 2017, la polémique à propos du film Gauguin – Voyage de Tahiti, a éclaté parce que Tuheï Adams, l’actrice jouant Tehura, n’avait manifestement pas treize ans, qu’elle était une jeune femme dans sa vingtaine, et qu’ainsi on trafiquait la réalité historique. On réécrivait l’histoire, exactement comme lorsqu’on veut supprimer certains mots des romans du passé, parce qu’ils sont injurieux. C’est passionnant, car là, c’est la presse progressiste qui a reproché au film de ne pas montrer une fille de treize ans avec un type de quarante-trois ans. Les contradictions sont toujours passionnantes. Je suis moi aussi contradictoire, en ceci que je sépare l’homme de l’œuvre. L’homme et ses crimes appartiennent à la justice, et l’œuvre, il faut la laisser libre, quelle que soit l’œuvre, et le référent de l’œuvre – adolescente, fille de treize ans, tueurs en série, journées à Sodome, prospérité du vice, etc. L’œuvre est asociale, surtout dans l’Occident moderne, positiviste, dénuée de valeurs transcendantes permettant d’incarner l’œuvre dans un Vatican ou une pyramide. L’œuvre est seule, libre, et elle explore un territoire asocial où les pulsions se répandent et s’épanouissent. L’œuvre est irréductible à la morale sociale, politique ou que sais-je. Sa morale est ailleurs et indéfinissable. Mon Gauguin par exemple, il assassinerait bien l’homme pédophile Tony Duvert si jamais un membre de sa famille devait être touché par ce genre d’individu. Mais il laissera toujours libre son œuvre, car elle est superbe. C’est une œuvre honnête, radicale et donc morale selon l’art, et à rebours de toute société. Mon Gauguin considère la pédophilie comme une déviance criminelle incurable qu’il faut traiter par la justice, quelle qu’elle soit, justice par l’État, et quand l’État est mou, justice par les familles. Son père dans le livre, appelle ça l’autodéfense illimitée. Il adhère à ça, il est plein de pulsions meurtrières défensives. C’est un pur White Trash, sa morale est sanguine, sanguinolente, brutale et belle car sanguine et sanguinolente au service des siens, une chair à vif contre la chair criminelle qui se croit tout permis. Oui, c’est un Charles Bronson, un Harry Callahan en plus développé, plus radical, plus beau car pas du tout cliché. C’est un croisé, un enfant de la colère de Dieu, un djihadiste absolu. Et c’est un personnage, ok ?, un sacré personnage, ce père animal majestueux ! Donc, j’ai respecté cette histoire de Tehura, et mon Gauguin rencontre Tippawan, une danseuse, une belle de bar de treize ans. Elle a treize ans, pas plus, elle se prostitue dans les clubs de Bangkok, elle sait tout de la vie et lui ne sait rien, c’est un ignorant et il l’écoute et il apprend. Il apprend d’abord une langue, une religion, un quotidien. Cette histoire, je l’ai nourrie de mes propres rencontres avec des femmes de la nuit thaïe d’une certaine génération. J’ai rencontré beaucoup de ces femmes, âgées alors d’une cinquantaine, quarantaine, parfois d’une trentaine d’années, qui me racontaient leur début, une époque que je n’ai pas connue, les années 1970-1990, quand leurs familles vendaient leur virginité à des maquerelles, qui elles-mêmes les vendaient à des Chinois, parfois des Japonais. Elles passaient plusieurs jours avec eux. J’ignore pourquoi il ne s’agissait en grande majorité que de chinois. Mais c’était ainsi. Ce sont des récits insurpassables, inimaginables, qui ne se rapprochent que d’autres récits liés aux guerres, aux pogroms. Elles le disaient sur tous les tons. Elles en parlaient parfois comme une expérience liée à un être mort il y a longtemps, avec une distance terrible. Elles avaient tué la jeune fille de douze ou treize ans qu’elles étaient. Écouter ça renforce votre pessimisme, votre misanthropie, votre désir d’autodéfense meurtrière devant le reste des hommes, et en même temps votre amour. Ces femmes étaient devenues mères malgré tout, avaient été ou étaient très amoureuses, et entrepreneuses, elles avaient vaincu. Oui, elles avaient vaincu et le mot victime était une injure à leur endroit. Certaines avaient perdu par contre. Certaines avaient le sida, et elles avaient vaincu leur passé tout en étant sous médocs à jamais, quand elles avaient survécu. Certaines n’avaient rien vaincu du tout. Mais certaines avaient réellement vaincu, et elles resplendissaient dans leur mariage, leur bar dont elles étaient propriétaires. Ces histoires sont stridentes, modulées, pleines de sentiments contradictoires extrêmes. Elles sont non linéaires, non réductibles à des idéologies doloristes et victimaires, pas plus qu’à des saloperies du genre « on peut guérir de tout, on peut être plus fort que les événements, etc. » Ce sont des histoires extrêmes et elles sont les seules histoires qui m’interpellent.

VJ : Avec un livre pareil, vous êtes sûr de ne pas être invité à la matinale de France inter !

JNO : C’est dommage alors. On aurait un passionnant débat sur l’art, sa dimension asociale, et la prostitution, et les questions de couleurs de peau dans les relations amoureuses, et sur l’hypocrisie. Mais c’est comme ils veulent. Up to youcomme on dit dans les nuits d’Asie du Sud-Est. Et puis, la fois où je suis passé sur France Inter, dans l’émission d’Augustin Trapenard, ça s’est très bien passé.

VJ : Il y a une place importante laissée dans votre roman à ce qu’est l’argent, dans son rapport à l’amour mais aussi à l’art. Vous avez cette phrase, prononcée par Paul Gauguin, p.21 « L’argent est ce qui rend l’art plus intéressant que l’argent »…

JNO : L’amour et l’argent, leurs liens, ça aussi c’est insurpassable. Avoir une grosse somme de cash dans les poches et la dépenser d’un coup, en une nuit. L’argent cash, la beauté du cash. La laideur absolue de l’argent, sa beauté soudaine, quand on le possède entre ses mains. Rien n’égale ce moment où tu donnes une liasse de billets, un bijou, une bague hors de prix à quelqu’un, et que dans cette action passe toute la sexualité, toute la vie possible, toute l’horreur et toute la joie. Idem quand tu reçois. Une femme tirant sa carte bleue, son chéquier pour te payer tes vêtements, tes restaurants, ton appartement, c’est splendide, ça prélude à l’amour physique le plus puissant, c’est une parade qui se suffit à elle-même, tu te sens fort, tu te sens faible, tu as envie de tuer, tu as envie de baiser, c’est une montagne russe, c’est la contraction dans le corps, la grande rhétorique et ses fleurs de style en plein bide. L’argent est une denrée indispensable au corps humain. L’argent comme l’eau, l’argent comme le sang. Les riches le savent et ceux qui sont honnêtes l’assument, ils en jouissent et le dilapident avec les plus belles créatures de cette Terre. Les pauvres le savent et l’assument d’autant plus qu’ils en ont un besoin vital tout de suite et pas demain. Il n’y a que la bourgeoisie – grande, moyenne, petite, toute la bourgeoisie – pour posséder plus ou moins l’argent, et le convertir en argument pseudo-moral, soit en le critiquant, en cachant son importance et en prétendant l’abolir – c’est la nouvelle bourgeoisie progressiste –, soit en le justifiant par l’idée de travail. J’ai aimé les œuvres parlant et montrant ça. Le cinéma est meilleur que la littérature sur ces liens. Erich Von Stroheim, Joseph Von Sternberg, Jean Eustache parfois. Le muet noir et blanc est bourré de scènes de ce genre où l’argent et l’amour s’exaltent mutuellement. Les débuts du parlant aussi. Marlène Dietrich achetant une montre à son officier d’amant. Colette décrit ça sans cesse. L’argent, les jeunes mecs, les lesbiennes friquées. Je suis jaloux du cycle Dietrich/ Sternberg, jaloux de Chériet La Fin de chéri, jaloux de Von Stroheim et de Lulu d’Alan Berg. Depuis mon premier roman, l’amour et l’argent constituent deux valeurs, deux énergies, deux pulsions de mon écriture, et comme pour l’Asie du Sud-Est et les danseuses de la nuit, les prostituées, il en sera toujours ainsi. Donc oui, l’argent est ce qui rend l’art plus intéressant que l’argent. Ce paradoxe est une variation d’un aphorisme de l’artiste américain Robert Filliou, qui prétendait que « l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. » Inutile de donner une explication précise à ce paradoxe.

VJ : Le roman est entre autres une réflexion sur l’art, avec cette pensée très forte que la vie est plus forte que l’art, au sens occidental du terme. La vie, c’est l’art. Vous pouvez nous éclairer sur cette question ?

JNO : Ça rejoint l’aphorisme précédent de Robert Filliou. C’est une vision des romantiques et des modernes et j’y adhère encore totalement. Je sais que Flaubert parlait d’être réglé dans sa vie et déréglé dans son œuvre – je n’ai plus la citation exacte en tête –, mais il avait du pognon et sa vie n’a pas été aussi réglée que ça. Je sais aussi qu’il n’y a pas de formule et que la littérature est d’une merveilleuse injustice : vous pouvez être un aventurier ou victime d’histoires atroces et écrire de mauvais livres, et vous pouvez être un individu sans histoires et sans relief, sans look ni personnalité, tout en couchant sur votre écran un texte somptueux. C’est injuste et c’est merveilleux que ce soit injuste, il n’y a pas de formule. En ce qui me concerne, l’art me permet de vivre librement le temps. Je me lève tôt et j’écris tous les jours, mais je pourrais me lever tard, et je me lève tard en Asie du Sud-Est. Je n’ai pas de patron. Je suis disponible à ce qui arrive. Partir, rester. C’est « up to me ». L’écriture, c’est la liberté absolue.

VJ : Il y a une colère contre l’Occident dans ce livre, pouvez-vous nous la décrire ?

JNO : Contre l’Occident moderne, l’Occident contemporain, oui. C’est sûr. Gauguin détestait l’Occident moderne, donc il fallait explorer cette dimension-là pleinement, qui est devenue très actuelle. Cette haine de l’Occident signe sa modernité. C’est ce qui définit l’Occidental moderne. Soit il se hait, soit il hait. Soit il extermine, soit il s’extermine lui-même et disparaît dans la culture de l’autre. C’est une pulsion qui dépasse le fait d’être réactionnaire ou révolutionnaire. Cette modernité occidentale est une maladie, une psychose. Nous en sommes tous atteints et elle est devenue planétaire. Peut-être un peu moins en Asie, trop ancienne, dont l’antiquité affleure toujours en Inde par exemple, pour être complètement infectée par cette psychose. Mais quand même, la haine de soi, la haine de l’autre, de plus en plus partout. Pour ma part, je m’appuie, j’essaie de m’appuyer à des temps plus anciens. Je me suis démodernisé intérieurement si vous voulez. Dans mon échelle de valeurs, le prétendu Moyen-Âge, c’est le Haut Christianisme. La prétendue Renaissance, le Moyen Christianisme. Et les âges modernes, le Bas Christianisme. En Occident, nous vivons dans le Bas Christianisme. C’est du bricolage intellectuel, mais qui vaut bien l’Histoire écrite par les profs. L’Occident moderne est pour moi la victoire de l’antiphrase sur la parole de Dieu, la parole spirituelle. La victoire du mensonge législatif sur la prière et le poème. C’est celle où l’on écrit la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen tandis que l’on guillotine en masse les gens. C’est celle qui parle de civilisation tandis qu’on colonise. C’est celle où l’on écrit « le travail rend libre » au fronton des camps de concentration, encore que là, c’est une métaphore pour signifier : le travail te rendra libre car il te tuera dans les pires souffrances. Et bien sûr, c’est la Shoah. Il se trouve que la Shoah, j’en ai entendu parler pour la première fois dans mes cours de catéchisme à Noisy-le-Grand, par des sœurs qui m’enseignaient la Bible, invitaient des survivants à témoigner, de même qu’elles accueillaient les enfants vietnamiens et cambodgiens. Je dois beaucoup à cette éducation par le texte et la rencontre.

VJ : Est-ce que Le déclin de l’Occident de Spengler est un de vos livres de chevet ?

JNO : Non, du tout, mais les œuvres complètes de Joseph de Maistre, oui. De même que celles de Leo Strauss. De même que la musique d’Arnold Schoenberg, qui est pour moi une figure tutélaire centrale. Il se voulait conservateur en politique et révolutionnaire en art. Si Spengler avait écrit Le déclin du Christianisme, là oui, je l’aurais lu plus volontiers. Ou Le déclin du judéo-christianisme, plus situé, plus digne de la Mitteleuropa, dont la disparition entre 1933 et 1945 signe la fin de l’Occident. Il n’y a plus d’Occident après la Shoah. Son esprit est moitié mort, moitié vivant. Quoi de plus zombi que la déconstruction, qui se nourrit de livres vivants pour les mortifier, au lieu d’écrire des livres neufs à partir de l’expérience vécue, en se souvenant que ce que nous expérimentons, d’autres l’ont expérimenté avant nous ? La déconstruction, c’est l’anti-commentaire talmudique, où l’interprétation grandit le texte. On ajoute de la vie à la vie. C’était ça, la Mitteleuropa, le Christianisme et le Judaïsme d’Europe. Et cet Occident moderne, cet Occident zombi, est devenu planétaire. Je me répète, mais en Asie, ça me semble moins présent qu’ailleurs. L’Asie sera peut-être l’héritière de la Mitteleuropa. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas plus occidental moderne que le « décolonialisme », l’antiracisme, le néo-féminisme, la déconstruction. L’écologie ultra-libérale promue par l’Occident moderne, ce qu’on nomme la transition écologique, est en train de devenir planétaire. La galaxie Thunberg, c’est-à-dire, via Greta Thunberg, ses sponsors et les grands groupes agroalimentaires, formate une nouvelle génération de consommateurs, prête à dépenser plus pour des produits polluants et destructeurs à base d’éoliennes et de bagnoles électriques. Personnellement, mon écologie commence par la terre, l’agriculture biodynamique, où l’acte de cultiver est un acte spirituel utilisant des essences locales. Je préfère la biodynamie de Rudolf Steiner à n’importe quelle autre façon de cultiver. Autre lecture favorite : les passeports. Je n’oublie pas la chance que j’ai d’avoir un passeport français. Donc l’Occident moderne me gonfle, sauf quand il devient à son tour un territoire fantasmatique pour les Non-Occidentaux. L’attraction et la répulsion que suscite l’Occident me plaisent énormément. L’attraction et la répulsion sont elles aussi des matières premières pour l’Art. L’exotisme fonctionne dans les deux sens, la fétichisation, les passions dangereuses, obsessionnelles pour des couleurs différentes de la sienne. La répulsion entraîne une politisation et une moralisation stupides et passionnantes. Voir le mâle blanc hétérosexuel devenir l’ennemi historique n°1 est peut-être inquiétant d’un point de vue social et politique, mais franchement exaltant d’un point de vue esthétique, même si le mot écorche les délicats de l’art. Dans ma jeunesse, il n’y avait rien de plus plouc que le mâle hétéro et blanc, ils se cachaient, se travestissaient pour exister dans l’art. Maintenant, le mâle blanc hétéro est la figure transgressive par excellence. Je trouve ça super.

VJ : Il y a une cible que vous privilégiez, et qui revient à plusieurs reprises dans votre roman, c’est la bourgeoisie progressiste. Pourquoi êtes-vous si fumasse ?

JNO : Fumasse comme Pasolini après les affrontements du 1er mars 1968 à Rome, entre les flics et les étudiants, et qui rédige le poème Il PCI ai giovani, Le PCI aux jeunes. Ce texte est aujourd’hui encore très critiqué par les bourgeois gauchistes, car il ferait le jeu de l’adversaire. Ces gens-là ne comprendront jamais ce qu’ils appellent les « classes populaires », du haut de leurs universités, leurs séminaires, leurs diplômes, leurs associations. Ils ne comprennent jamais avec leur corps, ils en sont incapables. Ils ont besoin de la distance d’une théorie, d’un confort intellectuel à l’image du confort matériel de leur environnement d’origine, et cette théorisation est froide, violente, vide de la souffrance et de la joie d’un corps à travers la société qui le domestique, le tourmente, l’élève, le rabaisse, le laisse libre ou l’enferme, et cela depuis des générations. Et de fait, ils s’en foutent, ils ricanent de tout ou bien ils sont sévères, ils jugent en permanence. Ce sont des petits juges. Cette faculté de se croire des gens bien en jugeant X ou Y au restaurant et dans les dîners en ville, ou les réunions associatives est assez abjecte franchement. Ils se comportent en dilettantes, ils pourrissent les manifestations car c’est un divertissement pour eux. C’est une manière de faire chier papa, comme dit Pasolini. Ils rentrent après tranquillement chez leurs parents, et si l’on visite leurs squats, et qu’on apprend leur véritable origine sociale, on découvre que ce sont pour la plupart des héritiers qui auront un jour un patrimoine, donc pas besoin de bosser pour le construire. Le nombre de faux pauvres chez ces riches, c’est très drôle. La ZAD de Notre-Dame-des-Landes n’est pas Auroville, hélas. Et pourtant, il y a là-bas quelques belles volontés, mais réduites au silence par les gosses de bourges qui ont troqué leurs caprices pour des revendications « politiques », et avec la violence de gamins gâtés. Ce texte de Pasolini est essentiel, il est très contemporain, il pourrait être la première pierre d’une nouvelle vision économique et sociale. Ce sont eux, les progressistes, qui sont les vrais bourgeois, plus que ceux de droite. Ils pensent à gauche et vivent à la droite de l’économie, voire à l’extrême droite de celle-ci. Ce sont eux qui favorisent le totalitarisme. Ils en sont l’antichambre. Encore une fois, l’individu n’est pas réductible à une classe pour moi, sauf quand il réduit les autres à ces classes et se réduit lui-même à une identité contre les autres. Là, c’est de la petite bourgeoisie. Et oui, comme vous dîtes, ça me rend instinctivement fumasse.

VJ : Vous êtes très fumasse…

JNO : Non, ce sont des réflexions. Franchement, quand ce discours décolonial, néo-féministe ou que sais-je est produit par des blancs et des blanches souvent issus de classes privilégiées, produit par des blancs et des blanches ayant des postes à l’université, ou des postes dans des médias ou des entreprises, ou un héritage en capital quelconque, même symbolique, un nom célèbre, là, ça devient problématique. Surtout quand ils accusent plus ou moins ouvertement les blancs moins riches qu’eux d’être racistes, homophobes, etc. Prétendre que tous les blancs sont racistes quelle que soit leur origine sociale est une manière insidieuse pour les blancs mieux assis dans la société, avec carrière, salaire, accès faciles à la prise de parole, de perpétuer un racisme social séculaire. C’est valable pour les non-blancs universitaires, les non-blancs des classes aisées. C’est facile d’effacer sa richesse derrière sa sexualité, sa couleur de peau, etc. Blancs, noirs, hommes, femmes, hétéros, homos, mais d’abord des bourgeois dans leur façon de penser, d’agir, et ces gens-là ne doutent jamais de leur légitimité, de leur autorité. Ils ne sont jamais en colère de manière pulsionnelle, ils sont ironiques, arrogants, plein de condescendance, plein de sévérité aussi. Donc oui, ça me rend fumasse, mais pas longtemps. J’aime plus que je hais. Ma haine s’estompe devant l’amour et j’aime les bourgeois qui se comportent en aristos décadents, ou en populeux déconnants avec bière et saucisses, j’aime les riches et leurs turpitudes, et j’aime qu’ils redistribuent leur richesse dans des fêtes et du mécénat pratiqué à grande échelle. J’aime les sociétés qui laissent la nuit tranquille et libre, avec ses turpitudes et ses fêtes, et qui laissent les œuvres tranquilles, Marquis de Sade, etc. J’aime la ceinture tropicale de la Terre, l’Asie du Sud-Est et ses femmes natives ou transsexuelles. J’aime les prostituées, les danseuses, les universitaires le jour, danseuses la nuit, parce qu’elles ont besoin de fric, et que la modernité, ça coûte cher, il faut du fric pour être une contemporaine. Moi, je suis prêt à écrire des papiers mal payés pour financer mon voyeurisme de ces nuits. Mais on devrait me payer plus, j’écris sans filet. Le reste m’ennuie totalement, mais comme l’esprit du temps est à la « politisation », et à « l’embourgeoisie », à l’acte d’embourgeoiser les textes par des phrases courtes qui s’indignent de tout dans des réquisitoires où l’auteur est pur, et les autres des coupables impurs, et comme je n’habite pas une tour d’ivoire mais de béton, je me positionne un peu quand même.

VJ : Votre personnage principal se présente d’ailleurs ouvertement monarchiste, nostalgique de l’Ancien régime. C’est aussi votre cas ?

JNO : Disons que comme mon Gauguin, j’apprécie les sociétés en fonction des arts qu’elles produisent. Rien n’égale pour l’instant les arts des régimes royaux et sacerdotaux. On sait aujourd’hui que temples et palais, pyramides et autres Louvre n’étaient pas bâtis par des esclaves mais des ouvriers spécialisés bien payés. Mieux que les sous-prolétaires actuels sur les chantiers modernes. Aristocratie et prêtrise fonctionnaient ensemble, avec les castes agraires et marchandes. Les anciens régimes pratiquaient aussi la séparation des pouvoirs, les démocraties n’ont rien inventé de ce point de vue. Pouvoir royal, sacerdotal, agraire et marchand devaient fonctionner ensemble, et les problèmes surgissaient lorsqu’un déséquilibre apparaissait – monarchie absolue, théocratie. On regarde les gens du passé comme des barbares, des sauvages. Pas mieux que les colonisateurs. On veut civiliser le passé, réformer leur vocabulaire, leurs mœurs… Mais la monarchie est impossible aujourd’hui. Donc, je ne suis pas nostalgique, je ne suis pas monarchiste dans ce sens-là. C’est prétendre faire renaître les morts. Ce qui est mort est pour l’instant mort, et si ça doit renaître, ça renaîtra de circonstances encore inimaginables. Et je ne suis pas du tout malheureux d’être né dans la pourpre de la Ve République du Général de Gaulle. J’adore de Gaulle. J’adore mon passeport et les possibilités qu’il me procure. Je comprends qu’on souhaite venir en Europe pour bénéficier d’un tel passeport.

VJ : Vous seriez né au XIXe siècle, vous seriez qualifié de contre-révolutionnaire. Vous seriez amis avec Joseph de Maistre, Barbey, Bonald ?

JNO : Joseph de Maistre avait l’air d’un honnête homme et le fréquenter aurait certainement été un plaisir. Je crois qu’il aurait accepté de me fréquenter aussi. Dériver avec lui sur une chaloupe le long de la Neva, quel honneur pour moi. Le lire est dans tous les cas un absolu plaisir. J’aime bien Barbey aussi, mais moins que de Maistre. Bonald m’indiffère, sa langue est lourdingue et triste. De Maistre, c’est tragique et somptueux, monarchiste et catholique de façon grandiose. Ça ne pleurniche jamais. C’est mort ou vif. Arnold Schoenberg, encore une fois, est un modèle pour moi.

VJ : Sur le Paris d’aujourd’hui, vous n’avez pas de mots assez durs contre la ville, et vous écrivez p.388 : « On ne vivait presque plus rien, mais on réfléchissait sans fin à tout ». C’est bien vu…

JNO : Oui, Paris et le néant. Du moins le Paris intellectuel, universitaire, médiatique… Ce que je trouve stupéfiant, c’est que beaucoup de gens y parlent comme s’ils avaient tout connu, tout vécu, alors que non, rien du tout, ils ont une vie théorique, ils sont blasés avant d’avoir vécu quoi que ce soit. Leurs blessures, ils les politisent, c’est-à-dire qu’ils tuent la vie en eux. Ils en font aussi des arguments d’autorité pour tuer tout débat, ce qui fait que je doute parfois qu’ils aient souffert, car la souffrance ne se résout que dans la vengeance, l’oubli, la sublimation, certainement pas dans les longs discours mélis-mélos. L’ignorance et la certitude les animent plus que la curiosité, la bienveillance, la soif d’apprendre et d’expérimenter. C’est paradoxal. Nous sommes plus libres qu’ailleurs, mais le savoir y devient clôture, mur, tour de contrôle. Vivre en couple mixte, comme on dit, m’offre une morale immédiate, celle du décentrement, celle du doute et du questionnement, et je sais que nous vivons plus librement qu’ailleurs, et que nous sommes fatigués de cette liberté, nous cherchons des chaînes et nous allons les trouver à force… À l’opposé de ce néant de Paris et de l’Occident moderne blasé, je défends et cultive une certaine naïveté, une certaine innocence, un enthousiasme, et le droit d’être lyrique et subjugué. J’écris en levant la tête, pas en la baissant pour plaindre mon sujet ou l’expliquer ou faire le snob, ni accuser qui que ce soit, sauf quand celui ou celle accusant et s’indignant à tout va, désigne des coupables dans des tribunes par exemple, sans même connaître ce dont il ou elle s’indigne. « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés à votre tour ». On devrait placarder cette parole du Christ aux entrées des universités, des grandes écoles, des institutions X ou Y, au lieu de « Polanski pédophile », comme j’ai vu un jour aux murs d’une fac de Lille. Le Christ, rien que le Christ et les Saintes femmes, les mères, les filles, les sœurs, les cousines, les mendiantes, les femmes publiques.

VJ : Vous écrivez : « en amour, il n’y a presque que des faux ». En Thaïlande, avec les putes, il semblerait que l’amour soit vrai…Vous pouvez nous expliquer cela ?

JNO : Vous l’expliquer non. C’est inexplicable et le roman commence là, dans cette part irréductible, inexplicable de l’expérience. Quand on se maquille tout le temps, la peau nue, la nudité d’un visage, n’est qu’un maquillage de plus. On est nu comme on se vêt. On s’ennude comme je l’écris dans le roman. On vend l’authenticité de sa peau sans blush alors qu’on ment d’autant plus. Donc, la vérité, celle de l’amour par exemple, est celle du moment dans les nuits tarifées d’Asie. Parfois, ça dure, on intègre la famille de la fille, elle prend soin de nous comme elle prend soin des siens quand soi-même, on ne peut plus prendre soin d’elle et des siens financièrement. Ça peut arriver. La fiction est plus vivante que la vérité à mon sens, et les filles de la nuit vous transmettent ce vieux savoir. Vivre, c’est mentir et se mentir, il faut construire des récits palliatifs au sablier qui débute avec la naissance. La fiction et le réel ne s’opposent plus. Le réel est fictif dans le monde des nuits d’Asie du Sud-Est. C’est pour ça que j’écris des phrases fardées. La phrase fardée, c’est l’un des credo de mon art poétique, si j’en ai un. Mes phrases sont fardées d’adjectifs, de tournures étranges et colorées, comme les filles de la nuit thaïlandaise se maquillent et se déguisent de leurs talons et de leurs soins.

VJ : Vous revalorisez, obsessionnellement, dans ce livre, la figure de la prostituée, de la prostituée thaïe. En quoi selon vous, est-elle revalorisable, alors qu’aujourd’hui, en Occident, on crie au scandale ?

JNO : Disons que j’aime leurs valeurs d’aristocrates de rue, ça c’est certain. Elles ruinent des hommes et parfois des femmes qui les aiment, elles se ruinent elles-mêmes, elles vivent. Elles sont souvent mères et filles, et j’aime qu’elles soient cheffes de leur famille restée au loin. Le matriarcat est très fort en Asie du Sud-Est, et je n’entrerai pas dans les subtilités sur ce qu’est ou non le matriarcat. Tout ce que je vois, tout ce que je sens, ce sont des femmes, le plus souvent seules, qui travaillent très dur, éduquent et nourrissent leur progénitures et leurs parents, dirigent à distance la survie des leurs, financent études et soins de santé, font construire une maison, achètent des terres, font la fête, flambent, tombent amoureuses, préfèrent souffrir d’amour que de ne plus rien ressentir du tout, embellissent les villes, embellissent les nuits des villes, vivent selon les règles qu’elles se donnent, ont soif du monde, soif de réussite, soif de paysages, soif d’annexer la nuit à leurs pas, dépassent leurs peurs, font peur, se tatouent, prient aux temples, font des offrandes aux moines le matin, sont particulièrement amènes et respectueuses avec les amputés, les aveugles, toute une clientèle qu’on appelle handicapée, s’alcoolisent, se droguent, chopent des maladies, et certaines gagnent et d’autres perdent. Entre autres actions. Il est vrai qu’elles m’inspirent plus que n’importe quelle autre femme. Autour de moi, il n’y a que des femmes sans pères, ou des femmes sans pères qui ont éduqué seules leurs enfants, car les géniteurs se sont tirés, et elles m’inspirent infiniment. Alors les palabres interminables sur le patriarcat, je m’en fiche complètement. Ces femmes-là s’en fichent complètement. Et si la prostitution, la condition de prostituée scandalise les gens, j’ai une méthode très simple pour ces hypocrites : vous demandez à une prostituée combien elle gagne par mois, vous lui donnez cette somme et vous l’augmentez de 20 %, à condition qu’elle signe un papier officiel où elle s’engage à ne plus se prostituer. Certaines iront quand même pour faire plus de fric. L’argent est l’horizon indépassable de toute discussion sur un tel sujet, et j’ai envie de dire, sur la société en général. Qui gagne quoi, qui paie qui, qui manque de quoi, qui a besoin tout de suite de quoi et de combien ? Quand j’entends dire que l’argent n’est pas l’essentiel et qu’on peut décroître… Oui, en Occident, c’est sûr qu’on va décroître et qu’il va falloir se battre à nouveau pour survivre, comme nos grands-parents. Mais allez dire à des gens sortant de la misère qu’il faut décroître pour sauver la planète, c’est comme expliquer à un mendiant qu’il faut faire des économies. Le cynisme des gens favorisés qui réfléchissent sur la misère au lieu de donner leur pognon m’exaspère, et puis je me calme en compagnie des filles de la nuit thaïe et leurs riches sponsors qui font offrande de leur argent.

VJ : Bangkok, écrivez-vous p.156, est un « espace de désirs indéfiniment renouvelés ». Le désir, voilà la question…

JNO : Bangkok est l’héroïne de ce livre, avec ses habitantes. Les ruelles, les soïs de Bangkok. Ses cinquante districts comme il y a cinquante États aux États-Unis. Se laisser mener par ses désirs, c’est vieux comme l’écriture sans doute, vieux comme les glyphes d’amoureux à Rome, ou Canope, une cité bordel de l’Égypte antique. Mes romans sont d’immenses graffitis se faisant l’écho, le miroir, la copie des désirs nés de Bangkok et de ses habitantes. J’aimerais qu’après la lecture de Femmes sur fond blanc, on se fende d’un billet en solitaire pour Bangkok.

VJ : Plus généralement, le livre est un hymne, une déclaration d’amour à la Thaïlande. À quoi ressemble cet amour ?

JNO : Eh bien précisément à mes textes ! Mes textes sont des déclarations d’amour à cette région du monde et ces déclarations prennent la forme de livres. Ce sont des livres obsessionnels et fétichistes, car cet amour est obsessionnel et fétichiste, et il y en aura d’autres, toujours, jusqu’à ma mort, pour mettre en scène les femmes de la nuit en Asie du Sud-Est, avec les bars, les clubs, les cabarets, les plages, les tarifs, la seule poésie tolérable car elle est précise.

VJ : Avez-vous déjà des réactions à votre roman, qui vient de paraître ?

JNO : Des articles formidables d’Olivier Mony, qui se révèle un frère. C’est déjà merveilleux. Et puis la vôtre, ça aussi c’est merveilleux. Les libraires, je n’en sais rien pour l’instant, les autres critiques non plus. Il y a la peur d’une polémique. Je ne vois pas pourquoi. La bourgeoisie progressiste qui déclenche des polémiques le fait non pour les victimes, dont elle se fout, mais pour prendre le pouvoir. Ai-je un quelconque pouvoir social ? Il faut acheter ce livre, le lire, le commenter. J’ai – aveu sans chichis, difficile mais sans chiffon célinien, sans pelisse lourde aux épaules glacées par un Danemark, un damné d’âne du Deutsche mark, mais aveu quand même et sincère, chauffé aux Tropiques du cœur et du sexe – besoin d’argent, là, tout de suite, pour les miens, et pour des séjours lointains, et pour vous effrayer, vous amuser un peu encore, et puis plaire aux morts que je lis. Voilà.


Jean-Noël Orengo, Femmes sur fond blanc, Grasset, 416p., 24 €

 

[Photo : JP Paga/Grasset – source : http://www.laregledujeu.org]

Silencier une victime, c’est la ou le réduire au silence par la censure menaçante, l’indifférence ou une écoute inadéquate.

Écrit par Viviane Albenga

Maîtresse de conférences en sociologie, Université Bordeaux Montaigne

« Réduire (qqn) au silence. Silencier et invisibiliser les minorités. Faire taire (qqch.). Silencier nos désirs. » Voilà la définition que donne le dictionnaire Le Robert au terme silencier. Cette entrée fait écho à ce qui a été plus communément appelé « la libération de la parole » au moment du mouvement #MeToo. Repris de manière virale fin 2017, ce hashtag a déclenché un mouvement massif de dénonciations de violences sexuelles qui s’est étendu à de nombreuses sphères et catégories de victimes (comme avec le #MeTooinceste).

Nombre de chercheuses et d’activistes soulignent que par ces dénonciations massives, c’est l’écoute sociale accordée aux violences vécues qui s’est ouverte. Le terme silencier vient souligner la nécessité de conditions d’écoute bienveillante et bien informée pour que la parole puisse s’exprimer.

Lorsque cette parole advient mais se trouve minimisée ou niée, on assiste à ce qu’on appelle « revictimisation » ou « victimisation secondaire ». Ce phénomène touche d’autres types de violences, racistes, homophobes, transphobes. La question des violences sexuelles, fortement médiatisée et reconnue comme légitime, permet d’illustrer ce processus transposable à d’autres situations.

Silencier une victime, c’est la ou le réduire au silence de diverses manières : il ne s’agit pas nécessairement d’une censure menaçante, mais d’une absence d’écoute ou d’une écoute qui n’a pas le positionnement adéquat, par manque d’impartialité (proximité personnelle avec l’agresseur présumé) ou de formation. Les témoins peuvent également être « silencié·e·s » quand parler entraîne des préjudices (plainte pour diffamation, risque d’ostracisation dans son cercle professionnel ou personnel).

En pratique, le risque de revictimisation pointe la nécessité de la sensibilisation à une échelle générale, et de la formation des écoutant·e·s aussi bien que des encadrantes et encadrants dans les institutions publiques amenées à recevoir des témoignages.

On pense spontanément à la police et aux questions qui peuvent décourager une victime de viol de raconter son expérience – comment était-elle habillée, avait-elle consommé de l’alcool – en la renvoyant à une culpabilité implicite de sa part.

On peut évoquer le rôle d’autres institutions, comme les universités. Les recherches menées sur les appropriations des étudiantes du problème des violences sexistes et sexuelles montrent que celles-ci se méfient des institutions mais somment celles qui leur sont le plus proches, comme l’université, de prendre ses responsabilités. Les institutions peuvent apporter une reconnaissance du préjudice subi, par la voie pénale et/ou disciplinaire.

Toutes les institutions publiques sont tenues depuis un décret de mars 2020 de mettre en place une cellule de signalements pour toute forme de harcèlement, violence ou discrimination. La manière dont ces dispositifs peuvent fonctionner de manière confidentielle et impartiale est actuellement un enjeu crucial. Si cet enjeu est visible pour les affaires qui frappent ceux des partis politiques qui sont dotés de ces cellules, il touche actuellement le service public dans son ensemble.

« Silencier » renvoie de manière plus large à la domination symbolique qui consiste à priver les personnes dominées de parole et de récit sur soi. C’est au tournant des années 1960-1970 que cette réappropriation de la parole permettant de se réapproprier soi-même et son corps a éclos dans les mouvements féministes : les groupes de conscience non mixtes ont ainsi permis de rendre collectifs des problèmes qui apparaissaient comme privés et individuels, tels que les violences mais aussi la sexualité non procréative.

Ces groupes ont agi comme des lieux de politisation de sujets qui paraissaient relégués à l’intimité. On peut considérer que leur fonction a été amplifiée par les réseaux sociaux à l’époque contemporaine, qui multiplient les échanges en ligne et hors ligne. Ils jouent un rôle fondamental dans la légitimation de sexualités consenties, en dehors de l’hétérosexualité ou en redéfinissant les représentations traditionnelles de celle-ci.

Enfin, l’engagement des jeunes générations dans les collectifs de collages féministes, qui portent dans l’espace public des messages également transinclusifs (« la transphobie tue ») ou antiracistes (« stop Asian hate »), participent de cette volonté de porter une parole dont on s’assure qu’elle ne sera plus réduite au silence, comme l’exprime le collage : « décoller, on recollera ».

 

[Illustration : Shutterstock – source : theconversation.com]

 

Compartieron el nombre y la vocación por el arte, pero brillaron en distintas disciplinas. Este año se cumple medio siglo de la muerte del pintor Pablo Picasso, el poeta Pablo Neruda y el músico Pablo Casals. 

Pablo Picasso

Pablo Picasso

Escrito por JULIETA GROSSO

A lo largo del 2023, en abril, septiembre y octubre, se evocarán con distintos homenajes los 50 años de la muerte de los tres Pablos más decisivos del siglo XX para el universo artístico: Picasso, Casals y Neruda, hombres que compartieron nombre y nunca se encontraron juntos los tres, pero en cuyas vidas y trayectorias públicas es posible descubrir conexiones y similitudes como el talento disruptivo, el compromiso social que los convirtió en antena de los peores horrores de la época y algunos comportamientos -sobre todo en el caso del pintor y del poeta- que a la luz del presente los colocan en lugares problemáticos y cuestionables en tiempos de cancelación.

« Eran tres y se fueron los tres…/ nos quedamos sin Pablos en el mundo/ y lo bello, sin ellos, moribundo…/ ¡qué va a ser de nosotros… qué va a ser! », cantaba el argentino Aberto Cortez en torno a estas tres figuras cuyas vidas fueron interceptadas por un tiempo histórico que los envolvió en el horror de la guerra y los totalitarismos. Los tres devolvieron respuestas similares al siglo que les dio vuelta la cara con sus feroces atrocidades, marchando firmes contra el nazismo y el fascismo, y tendiéndoles la mano a los sublevados y a los exiliados.

En una época sin la masividad garantizada de las redes sociales, ellos supieron volverse virales a su manera y legaron obras que además de ponerle voz a una época expresan el compromiso del arte en la búsqueda de la paz: el « Guernica » de Picasso, el « Canto general » de Neruda y el « Himno para las Naciones Unidas » compuesto por Casals.

Más allá del impacto que tuvieron los fascismos en sus vidas, la guerra civil española fue un hecho determinante en la vida de los tres: para Casals y Picasso significó el exilio definitivo, mientras que para Neruda el abandono forzado de su puesto como cónsul en Barcelona y Madrid.

Pablo Picasso, una obra innovadora y monumental que desluce con la fama de misoginia

 Los aniversarios redondos son muchas veces la excusa para evocar y resignificar vidas o trayectorias que han tallado una época y siguen proyectando su espectro sobre el presente. Hasta hace algunos años, esta recuperación transcurría sin sombras en un clima celebratorio que reforzaba la épica y el legado de la figura exaltada, pero hoy el signo de época insta a matizar los tributos, destacando los aportes de una obra o creador sin licuar los aspectos problemáticos de su personalidad.

Picasso tan genial como cruel con las mujeres

Picasso, tan genial como cruel con las mujeres.

Si hay una figura que absorbe los mayores dilemas en torno a esa discusión tan fogoneada en tiempos de cancelación sobre la posibilidad o pertinencia de disociar a una obra de las acciones de su creador es Pablo Picasso, el artista español incuestionable por su pericia para iluminar un cambio de rumbo decisivo en la historia del arte pero acusado de misógino y maltratador por su trato cruel hacia las mujeres que lo acompañaron, un rasgo que hechiza sutilmente el medio centenar de homenajes que se proyectan este 2023 por los 50 años de su muerte bajo el lema « Celebración Picasso 1973-2023 ».

En sus siete décadas de prolífica actividad, Picasso introdujo nuevas formas de percepción y reflexión del arte a través de los trazos novedosos del cubismo que pusieron en crisis el relato hasta entonces monolítico de la pintura figurativa pero también dio cuenta de su compromiso social a través de una de las composiciones más estremecedoras sobre la impiedad de la guerra con el « Guernica », un cuadro que pintó como reacción al bombardeo nazi de la ciudad vasca en el norte de España.

La vida creativa de Picasso se puede dividir en varios períodos: el Azul (1901-1904) metaboliza en la gama de este color la tristeza por el suicidio de un amigo, el poeta español Carles Casagemas. Luego el Rosa (1904-1906), donde predominan los colores rosa, azul claro y naranja, una paleta que encuentra su apogeo en la obra « Retrato de Gertrude Stein ». En esta etapa, la más luminosa del artista, conoce a Fernande Olivier, una artista francesa que luego se convirtió en su inspiración y amante.

Bajo ese influjo pinta entre 1906 y 1907 una de sus óleos más icónicos, « Las señoritas de Aviñón », en el que la extraña distorsión de las formas del cuerpo femenino acaba con todas las nociones anteriores de perspectiva y se convierte en la obra pionera del cubismo. Sus creaciones durante este período incluyen « Muchacha con mandolina » (1910) y « Bodegón con botella todaclase de ron » (1911).

Picasso creó miles de pinturas y esculturas y sigue siendo uno de los nombres más cotizados en las subastas mundiales: su obra « Mujer sentada junto a una ventana » se vendió por 98 millones de euros en Christie’s en Nueva York en 2021, mientras que « Mujeres de Argel » fue adjudicada por 179 millones de dólares en 2015.

Durante mucho tiempo, el artista fue la encarnación más emblemática del concepto de genio, aunque hoy esa adjetivación ya no aparece asociada a su figura porque su comportamiento fuera del proceso creativo ha generado manifestaciones de colectivos feministas en muchos de los espacios donde se montan sus obras y a la luz del proceso de despatriarcalización que encaran muchas instituciones, la noción de genialidad comienza a estar impregnada de estos debates.

Picasso ha sido caracterizado como un misógino que ponía a ‘sus’ mujeres en un pedestal para luego derribarlas, un hombre que temía, además de desear, el cuerpo femenino y que era un marido o amante exigente y narcisista. « Para mí solo hay dos tipos de mujeres: diosas y felpudos », dijo alguna vez el hombre que tuvo dos esposas formales y seis parejas estables, de las cuales dos de ellas, Marie-Thérese Walter y Jacqueline Roque se suicidaron, años después de la muerte del pintor.

« Las sometía a su sexualidad animal, las domesticaba, las hechizaba, las devoraba y las aplastaba en sus lienzos. Después de pasar muchas noches extrayendo su esencia, una vez desangradas, se deshacía de ellas », cuenta en sus memorias Marina Picasso, la nieta del pintor.

Los últimos años artísticos de Picasso se vieron marcados por su obsesión del artista con el erotismo y la muerte: en 1972 creó una serie de retratos con apariencia de calavera, quizá preanunciando su propia muerte, que tuvo lugar un año después, el 8 de abril, en Mougins, cerca de Cannes. Este año se celebrará el 50 aniversario de ese suceso con un programa cultural internacional que bajo el lema « Celebración Picasso 1973-2023 » ofrecerá medio centenar de exposiciones y eventos en toda Europa y Estados Unidos que ponen de relevancia la influencia del artista en todo el siglo XX y su continua referencia para los artistas del siglo XXI.

Esta nueva conmemoración de su muerte está salpicada por la relectura feminista de su obra. Hay voces, las más radicales, que piden la cancelación, que los cuadros de Picasso pasen directamente de las paredes a los depósitos de los museos. « Picasso es un hombre del sur de España, nacido en Málaga a finales del siglo XIX y que por tanto proviene de una tradición patriarcal », matiza en su defensa Cécile Debray, presidenta del Museo Picasso de París, convencida de que no tiene sentido juzgar con parámetros del presente a una figura incrustada en un pasado con otros parámetros culturales.

Pablo Neruda, un poeta atrapado entre el amor y el compromiso politico

Ricardo Eliécer Neftalí Reyes Basoalto, mejor conocido como Pablo Neruda, nació el 12 de julio de 1904 y pese a que tuvo un perfil político que desplegó en paralelo a la literatura -fue embajador en Francia, senador, miembro del Comité Central del Partido Comunista (PC) y precandidato presidencial- ganó popularidad como uno de los grandes poetas del amor, título que empezó a ganarse ya desde muy joven, cuando publicó una obra que se ha convertido en tan inmortal cono resistida: « Veinte poemas de amor y una canción desesperada.

Neruda un poeta revolucionario

Neruda, un poeta revolucionario.

« Neruda nos devolvía a lo nuestro, nos arrancaba de la vaga teoría de las amadas y las musas europeas para echarnos en los brazos a una mujer inmediata y tangible, para enseñarnos que un amor de poeta latinoamericano podía darse y escribirse hic et nunc, con las simples palabras del día », lo definió alguna vez Julio Cortázar.

Bisagra en su devenir político fue la guerra civil española, que lo impulsó a militar en el partido comunista, al que perteneció hasta el final de su vida en 1973, pocos días después de la muerte de Salvador Allende, que marcó el final del gobierno progresista chileno.

En 1945, Neruda fue galardonado con el Premio Nacional de Literatura de Chile. Pero las cosas se complicaron para el poeta cuando hizo pública su enérgica protesta por la persecución del entonces presidente Gabriel González Videla a los sindicatos. Valiéndose de su cargo de senador, Neruda hizo gala de su oratoria para denunciar dichos abusos, lo que provocó la persecución gubernamental y su posterior exilio en Argentina.

Tras su paso por Argentina, el poeta marchó a México y más tarde viajó a la URSS, China y otros países de la Europa del Este. Durante su periplo, escribió una serie de poemas propagandísticos que le valieron el Premio Lenin de la Paz. De nuevo en Chile, su poesía adquirió una gran intensidad lírica y un tono general de serenidad. La obra central de esa época fue « Odas elementales », escrita entre 1954 y 1957. En 1956 se separó de su segunda esposa, Delia del Carril, para unirse a Matilde Urrutia, que sería su compañera de viaje hasta el final de sus días.

Si « Veinte poemas de amor y una canción desesperada » fue un canto de amor juvenil, sus siguientes obras van mostrando su evolución y capacidad para tomar lo mejor de cada movimiento literario y para dar vuelta a un enorme potencial que vuelca en potentes imágenes como las que retrata en « Residencia en la tierra » (1933-1935), donde traslada la amargura del hombre sumergido en un mundo caótico. Un libro que sitúa a Neruda –junto a César Vallejo– en la cumbre del vanguardismo.

En 1971 Neruda recibió el Premio Nobel de Literatura. La academia sueca, entre sus fundamentos para otorgarle el máximo galardón de la literatura mundial, sostuvo que escribía “una poesía que con la acción de una fuerza elemental da vida al destino y los sueños de un continente”.

La figura de Neruda se volvió controvertida a partir de un breve tramo de su autobiografía, « Confieso que he vivido », en el que el autor evoca un « encuentro » en su pasado como joven diplomático en Ceilán (actualmente Sri Lanka) con una mujer pobre y paria cuyo trabajo era asear el sitio donde él se encontraba. « Una mañana, decidido a todo, la tomé fuertemente de la muñeca y la miré cara a cara. No había idioma alguno en que pudiera hablarle. Se dejó conducir por mí sin una sonrisa y pronto estuvo desnuda sobre mi cama », narra. Y concluye: « El encuentro fue el de un hombre con una estatua. Permaneció todo el tiempo con sus ojos abiertos, impasible. Hacía bien en despreciarme. No se repitió la experiencia ».

Desde entonces, distintos colectivos feministas han salido a repudiar al poeta por este comportamiento que puede ser considerado una violación. También le cuestionan otro hecho: la actitud desaprensiva hacia su hija, Malva Marina, que murió de hidrocefalia a los 8 años cuando estaba al cuidado de unos amigos de la madre a los ocho años. Una de las pocas menciones de Neruda hacia la menor es una carta que envía a unos amigos en Argentina, un testimonio que se ha vuelto a citar nuevamente por estos días. « Mi hija, o lo que yo denomino así, es un ser perfectamente ridículo, una especie de punto y coma, una vampiresa de tres kilos », le cuenta a su amiga Sara Tornú.

Tras la muerte de Neruda, el 23 de septiembre de 1973, su cuerpo fue enterrado en el mausoleo de una familia amiga, después sus restos se trasladaron a un nicho del módulo México hasta que, al fin, en 1992, fueron exhumado junto a los de Matilde Urrutia y enterrados en el patio de su casa en Isla Negra.

Pablo Casals, la música no es más importante que la conciencia social

Pablo Casals, nacido el el 29 de diciembre de 1876 en Vendrell, pequeña localidad catalana situada a unos 70 kilómetros al oeste de Barcelona, fue el más longevo de los Pablos ilustres del siglo XX. La música fue el elemento central de su vida desde muy temprano: a los cinco años ingresa como segundo soprano en el coro de la iglesia, al mismo tiempo que estudia piano con su padre y aprende los rudimentos del violín. Luego llegaría el acceso el violoncello, el instrumento que sella su historia de genialidad artística.

Pau Casals, o Pablo, como se le conocía fuera del territorio catalán, fue el primer concertista profesional del violoncello de la historia, un eminente director de orquesta y también compositor, todo de manera casi autodidacta. Pero además, con una nítida conciencia social, se preocupó de llevar la música clásica de calidad a los sectores más humildes, creando y financiando su propia orquesta en Barcelona. Fue el primero en grabar las Seis Suites para violoncello solo de Johann Sebastian Bach, y el primero también en registrar una obra completa de tal envergadura.

El artista revolucionó todas las técnicas de ejecución del violoncello, transformándolo en un instrumento popular, por sus condiciones artísticas. Sin embargo, podía relegar su arte a segundo plano cuando el contexto social le imponía un posicionamiento urgente. « Hay cosas más importantes que la música », decía para justificar su negativa a tocar en público y su decisión de ayudar a los exiliados que durante la guerra civil española huyeron a Francia sin saber que, años más tarde, muchos de ellos sufrirían el encierro en campos de concentración.

Los fascismos lo rebelaban: en 1933 se había negado a tocar en Alemania por el ascenso de Adolf Hit­ler al poder. Dos años más tarde adoptaría la misma actitud respecto a la Italia fascista y lo mismo haría con Rusia tras la Revolución del año 1917 y la implantación del comunismo. Cuando estalló la guerra civil española, Casals daría su total apoyo a la República, ofreciendo diversos conciertos en Barcelona y en el extranjero a beneficio de los damnificados y de los niños exiliados. Tras la victoria de Francisco Franco, decidió marcharse a Francia, donde prestó ayuda a los republicanos presos en campos de concentración. Como los otros dos Pablos, conocía la capital francesa de estancias anteriores, sobre todo en su juventud.

Decepcionado por la falta de apoyo internacional para derrocar al régimen franquista, en un acto de protesta que tuvo lugar en 1945, el músico decidió que no volvería a tocar más en público y se negó a aceptar cualquier invitación para hacerlo mientras no se estableciera en España un régimen que respetara las libertades. Murió el 22 de octubre de 1973 en el Hospital Auxilio Mutuo de San Juan de Puerto Rico, a la edad de 96 años, como consecuencia de las complicaciones derivadas de un infarto. Tres años después, en 1976, cuando en España había ya un régimen democrático, fue honrado de manera póstuma por el Gobierno español, que emitió un sello postal conmemorativo que honraba al músico en el centenario de su nacimiento.

El único punto que podría generar alguna discordancia en la actualidad fue la contundente diferencia de edad con la puertorriqueña Marta Montañez, a la que conoció cuando ella tenía 17 años de edad y él, 77.  Se casaron tres años después, ella con 20 y el con 80, unos 60 años de diferencia. Pero la relación se sostuvo y estuvieron juntos 16 años hasta la muerte del músico.

 

[Fuente: http://www.telam.com.ar]

A mediados de los años 70 del siglo XX, grupos de jóvenes vivieron experiencias de cariz transformador en todos los órdenes de la vida: las relaciones personales, el sexo, la música y el resto de las artes, sobre todo las plásticas, el cine, la manera de vestirse y peinarse, sus lecturas, la política y unos nuevos estados de conciencia mediados por las drogas para vivir más allá de lo percibido hasta entonces.

Escrito por EVARISTO AGUADO

Crítico de cine, director y guionista, y periodista con una importante trayectoria en Valencia, Juan Lagardera narra en esta novela (publicada por Contrabando) una serie de episodios que tienen lugar en la ciudad de Turiápolis, el topónimo imaginado por su autor para referirse a Valencia, donde presumiblemente ocurrieron o se inspiraron los argumentos de la obra Psicodélica. Un tiempo alucinante. La novela, por la que desfilan protagonistas muy conocidos de aquella Valencia y de la de nuestros días, mezcla personajes reales e imaginarios, sucesos verídicos e inventados, agitándolo todo como en un caleidoscopio hasta el punto de hacer imposible discernir categoría alguna de la realidad, incluida la escena de la cubierta, extraída de un collage pictórico del artista Gino Rubert al que se le han añadido nuevos personajes, de Carmen Alborch a Julie Christie pasando por Jacques Lacan, Rod Stewart, Sigmund Freud o Antonio Vega.

« Psicodélica«  describe un ambiente de época a modo de fábula, tan eufórica como atrabiliaria. Su autor, Juan Lagardera, ha publicado numerosos textos, pero esta es su primera novela tras varios borradores extraviados a lo largo de unos cuantos lustros y de centenares de artículos previos.

Tras su paso por la Barcelona agitada de los años 70, Juan Lagardera se inicia en la escritura como crítico de cine para, poco más tarde, desarrollar una amplia carrera periodística en la ciudad de Valencia. Experto en temas urbanísticos y culturales, fue director del Club Diario Levante donde llevó a cabo una ingente labor como productor y comisario de exposiciones artísticas. Ha sido responsable también del suplemento literario Posdata, así como director y guionista de varios cortometrajes y performances. Activo en tertulias y en docenas de proyectos editoriales y mesas redondas sobre los temas más dispares, que abarcan desde la arquitectura al fútbol o la gastronomía.

Entre otros análisis y relatos suyos editados, cabe mencionar “Del asfalto a la jungla” (Arte y biografía, Elástica variable, U. Politécnica, 1994), La ciudad moderna (IVAM, 1998), “Fragmentos de la derrota del urbanismo” (Pasajes, revista de pensamiento contemporáneo, 2000), “La fotografía de Julius Shulman” (en Los Ángeles Obscura, MUA, 2001), Álvaro Siza y la arquitectura universitaria (PUV, 2003), El ojo de la arquitectura (Travesía 4, Madrid, 2003), “Invitado accidental. El viaje relámpago en aerotaxi de Spike Lee colgado de Naomi C.” (en Ocurrió en Valencia, Ruzafa Show, 2012) o su recopilación de artículos periodísticos No hagan olas (Elca, 2021).

 

[Fuente: http://www.todoliteratura.es]

Escrito por Luis Castellví Laukamp

Jaime Gil de Biedma (1929-1990) fue autor de una breve pero importante obra poética, cuya recepción ha quedado un tanto empañada por alguna controversia sobre su vida. En parte es responsable el propio Gil de Biedma, que no llevó una vida ordenada; pero también la única biografía existente, publicada en 2004 por Miguel Dalmau, que inspiraría un escabroso biopic sobre el escritor (El cónsul de Sodoma, 2009). Dalmau escribe menos de 100 páginas sobre la vida familiar/profesional de Gil de Biedma, poco más de 100 sobre su poesía, y unas 250 sobre su vida sexual/amorosa. La película dedica proporciones parecidas a cada tema. Abundan los chismes y el rigor brilla por su ausencia. No sorprende que fuera mal recibida.

La vida de Gil de Biedma daría para biografías y biopics de mayor vuelo lírico. Nacido en Barcelona en el seno de la alta burguesía, su infancia transcurrió entre algodones. La Guerra Civil sorprendió a los Gil de Biedma en la casa familiar de la Nava de la Asunción (Segovia), donde se mantuvieron ajenos a los horrores del frente. Al terminar la contienda, volvieron a Barcelona, donde Gil de Biedma fue educado en un colegio laico. En 1946 comenzó derecho en la Universidad de Barcelona, estudios que terminaría en Salamanca. Como tantos escritores de su generación, no estudió leyes por vocación sino por pragmatismo. La influencia del padre fue determinante en este sentido. Durante la carrera Gil de Biedma empezó a escribir poesía. También trabó amistad con Carlos Barral, los hermanos Goytisolo y Gabriel Ferrater.

Tras licenciarse, Gil de Biedma no tenía claro su futuro profesional. Pasó buena parte de 1953 en Inglaterra (Londres y Oxford), una experiencia que le resultaría decisiva como poeta. En sus entrevistas habla con conocimiento de autores como Lord Byron y W. H. Auden, a quien tradujo más tarde. Llegaría a mantener correspondencia con T.S. Eliot, a quien también tradujo. Gil de Biedma pasó el verano de 1953 en París (Baudelaire sería otra influencia crucial). Acabado el Grand Tour, regresó a España para preparar las oposiciones a diplomático (1953-1954), pero las suspendió. En 1955 su padre le ofreció trabajo en la empresa familiar, la Compañía de Tabacos de Filipinas. Gil de Biedma desarrolló toda su carrera como ejecutivo en esta multinacional, también conocida como La Tabacalera.

Este trabajo le permitió mantener el tren de vida al que estaba acostumbrado. Pero la contrapartida fue desarrollar su carrera laboral bajo la sombra del padre, que fue su jefe durante décadas. Si bien desempeñó cargos empresariales con solvencia, Gil de Biedma nunca pudo quitarse el sambenito de niño de papá. Aunque este no fue su problema más grave. Consciente de su homosexualidad desde joven, Gil de Biedma llevó una doble vida (empresarial/ejecutiva de día, literaria/bohemia de noche) que le procuró temas para su obra poética, mas también grandes sufrimientos. Sus amigos más cercanos conocían su orientación sexual, pero no sus padres, que no la hubieran aceptado. Gil de Biedma nunca quiso salir del armario públicamente, ni siquiera tras la muerte de Franco y la Transición.

Precisamente, 1975 es el año de la publicación de su poesía completa: Las personas del verbo. La obra poética de Gil de Biedma, escrita en las décadas de 1950 y 1960, produjo una honda impresión en sus lectores. Por ejemplo, Carme Riera considera Pandémica y celeste uno de los mejores poemas de la literatura española contemporánea. Apología y petición es otro clásico que entronca con la visión de España como preocupación de la generación del 98. No volveré a ser joven fue musicado por Joan Manuel Serrat, y desde entonces es uno de sus poemas más populares. De vita beata tiene imágenes memorables que han perdurado, como las ruinas de la inteligencia. Contra Jaime Gil de Biedma revolucionó la poesía autobiográfica. Lágrima revela el impacto que le produjo el Tercer Mundo tras su descubrimiento de Filipinas. También deslumbran los homenajes poéticos a Luis Cernuda, James Baldwin y Gabriel Ferrater. Poetas contemporáneos como Luis García Montero y Luis Alberto de Cuenca reconocen su deuda con Gil de Biedma. Las personas del verbo supuso una bocanada de aire fresco tras el tardofranquismo.

Muerto el dictador, Gil de Biedma prácticamente dejó de escribir poesía, lo cual aumentó su leyenda. Pero llevó un diario durante casi toda su vida. Aunque su poesía ha atraído más atención crítica, últimamente sus diarios están despertando el interés de los investigadores. Álvaro González Montero, por ejemplo, dedica su trabajo de investigación a este corpus. En este sentido, hay una diferencia notable entre el Diario de 1956 y el Diario de Moralidades (1959-1965), por un lado, y el Diario de 1978 y el Diario de 1985, por el otro. El primero es el diario de un escritor en ciernes. El segundo es un diario de trabajo de un poeta que controla su quehacer literario. Por el contrario, el tercero tiene un tono más apático, como de escritor bloqueado. El último consta de apenas unas páginas; está escrito después de que a Gil de Biedma le diagnosticaran el VIH/sida.

Sus últimos cinco años fueron muy duros. Si bien su amigo y jefe de La Tabacalera, Manuel Meler, le dio todo tipo de facilidades para ser tratado en el Hospital Claude Bernard de París, los médicos no pudieron hacer nada por su vida. Y Gil de Biedma se fue consciente de que se moría. Ahora bien, para él lo más angustioso era la posibilidad de causar un escándalo que salpicara a su madre: “Mantener mi enfermedad en secreto, salvo para unos poco íntimos, me parece cada vez más difícil […] si salgo adelante será por el canto de un duro”. El sida era (y sigue siendo) considerado una desgracia social. De ahí que Gil de Biedma lo ocultara, pese a su fama y prestigio, que alcanzaron cotas insospechadas para un poeta. Finalmente, la madre murió en noviembre de 1989, y el escritor el 8 enero del año siguiente. Como explica Isaías Fanlo en su tesis doctoral, Gil de Biedma fue el intelectual barcelonés más célebre muerto de sida. Tenía sesenta años.

El Retrato del artista en 1956

Antes de morir, Gil de Biedma dejó instrucciones para la publicación póstuma de sus diarios. Entrevistado en 1978, ya había contado que en el primero (publicado originariamente como Diario del artista seriamente enfermo en 1974) faltaba “todo el período de mi estancia en Filipinas, desde principios de enero [de 1956], en el que hay demasiadas historias que todavía no puedo publicar”. El texto vio la luz en su integridad en 1991 con el título de Retrato del artista en 1956. Posteriormente, en 2015 Andreu Jaume publicó los diarios completos de Gil de Biedma en una edición impecable. Ahora bien, el más conocido sigue siendo el Retrato del artista en 1956, sobre todo por su primera parte, que describe la estancia del poeta en Filipinas. La bibliografía existente se ha ocupado principalmente de la crónica sexual del autor, tan libre y desenfadada que recuerda al Reinaldo Arenas de Antes que anochezca (1991). Como apunta David Vilaseca, en Gil de Biedma hay una tensión entre una mentalidad pretendidamente anticolonial y un retrato exotizante del hombre asiático (no solo filipino), identificado con la disponibilidad sexual. En este sentido, un pasaje tristemente célebre se lleva la palma. Me refiero al encuentro entre Gil de Biedma y un menor prostituido, que ha generado ríos de tinta, e incluso una polémica entre el director del Instituto Cervantes (Luis García Montero) y uno de los críticos más destacados de Gil de Biedma (Andrés Trapiello). Remito al artículo de Luis Alemany para un examen de esta controversia, de la que no me ocuparé, pues quiero dedicar el espacio que me queda a un tema menos conocido: el retrato que Gil de Biedma ofrece de Filipinas como país (pos)hispánico.

Gil de Biedma escribe una década después de que Filipinas obtuviera su independencia de Estados Unidos. Como ciudadano de la primera metrópoli, contempla Manila con una mirada poscolonial: “… me sorprendo del perfecto español de los cantantes […] González Díaz me explica que cantan en español de oído, sin tener idea de lo que dicen”. La confusión identitaria resultante de la anglosajonización del archipiélago es precisamente el tema de The Woman Who Had Two Navels [La mujer con dos ombligos] (1961), una novela filipina clásica. Traduzco del inglés a su autor, Nick Joaquin: “Los jóvenes que escribían en la década de 1900 se encontrarían con que sus hijos no podrían leerlos. Los padres hablaban europeo; los hijos, americano”. Gil de Biedma no escribe del asunto con el mismo pathos. Pero atestigua la presencia cada vez más marginal de la lengua española en Filipinas, una reliquia colonial del pasado como la propia Tabacalera en la que él trabajaba. Además, este proceso de deshispanización impidió a los filipinos leer a José Rizal en su lengua.

El héroe nacional es una suerte de santo intocable en Filipinas. El propio Gil de Biedma participa, hasta cierto punto, de la fascinación con el personaje (“Casi diría que estoy un poco enamorado de él”). Pero muestra un juicio crítico notable. En primer lugar, sigue los debates que dieron lugar a la Rizal Law de 1956, que estableció la lectura obligatoria de sus dos novelas, el Noli me tangere y El filibusterismo. La primera es la “ficción fundacional” de Filipinas, en el sentido que daría al término Doris Sommer. Nuestro poeta tiene sentimientos encontrados al respecto. Por un lado, celebra que estas novelas incomoden a la Iglesia, cuyos frailes Rizal caricaturiza sin piedad. Por otro lado, cuestiona que la canonización de un escritor contribuya a fomentar su lectura. No hay que olvidar que Gil de Biedma, que nunca ganó ningún premio literario, consideraba la marginalidad ventajosa desde el punto de vista intelectual. Lo cierto es que Rizal, convertido en estatua tras su muerte, en vida mantuvo una relación tensa tanto con Filipinas como con España. Quizás lo más interesante sea el juicio ponderado de Gil de Biedma, ajeno a exaltaciones nacionalistas en uno u otro sentido. Del Rizal novelista reconoce los méritos satíricos y costumbristas, aunque critica su dispersión y su “retórica posromántica”; del poeta admira Mi último adiós, su composición más conocida y conmovedora, escrita en la víspera de su fusilamiento a los 35 años.

Gil de Biedma afirma sentir “simpatía, piedad, admiración” y “vergüenza española por la brutal injusticia” cometida con Rizal. Estos sentimientos se extienden a todo el período colonial español: “España […] fue un amo tiránico y un explotador tan cruel como incompetente que se ganó a pulso la pérdida de sus colonias”. La segunda parte del Retrato del artista en 1956, escrita por Gil de Biedma para su padre, llega a describir la economía de Filipinas, basada en la exportación de materias primas, como “todavía fundamentalmente colonial”. La crítica resultaría más convincente si incluyera una autocrítica, pues el propio Gil de Biedma, alto ejecutivo de La Tabacalera, fue instrumental en este proceso. Cuando en la tercera parte del diario, ya de vuelta en España y enfermo de tuberculosis, nuestro autor dice sentirse “nostálgico de Filipinas”, uno se pregunta si lo que de verdad echa de menos no sería el privilegio del que gozaba. Ahora bien, resulta más fructífero tratar de entender a Gil de Biedma que juzgarlo. Él pone todas las cartas sobre la mesa, lo que es de agradecer. Los géneros autobiográficos a menudo sirven para ajustar cuentas (con enemigos, rivales, etc.). Gil de Biedma, en cambio, expone sus propios fracasos, miedos, inseguridades, y por supuesto la aceptación de su homosexualidad. Al igual que Juan Goytisolo en sus memorias, publicadas en vida del poeta, Gil de Biedma es despiadadamente sincero, sobre todo respecto a sí mismo. A veces se desnuda con elegancia, otras con cierto exhibicionismo, pero siempre con honestidad. El ajuste de cuentas es sobre todo (aunque no solo) con Gil de Biedma, como en el mencionado poema (Contra Jaime Gil de Biedma). En definitiva, si bien nuestro autor será recordado como poeta, sus diarios tienen un interés considerable, en especial en lo que atañe a Filipinas.

Luis Castellví Laukamp es profesor de literatura española en la Universidad de Manchester. Ha publicado el libro Hispanic Baroque Ekphrasis: Góngora, Camargo, Sor Juana (Cambridge: Legenda, 2020).


NOTA: El presente ensayo anticipa una contribución más extensa sobre Gil de Biedma que aparecerá en el volumen Galería de viajeros. El autor agradece a los editores Roger Friedlein y Beatriz Friedel su autorización para publicar este adelanto.

 

[Fuente: http://www.letraslibres.com]

Fatos indicam: fascistas tentaram no Brasil um Capitólio aperfeiçoado, mas faltou-lhes mobilização. Apoio empresarial e militar precisa ser cortado. Mas para dissipar a ameaça falta uma democracia vibrante, que se estenda às maiorias e as acolha.

Escrito por Boaventura de Sousa Santos

Ocorreu em Brasília no dia 8 deste mês, uma semana depois da tomada de posse do presidente Lula, um acontecimento que só tomou de surpresa quem não quis ou não se pôde informar sobre os seus preparativos amplamente difundidos nas redes sociais. A ocupação violenta dos edifícios dos poderes legislativo, executivo e judiciário e dos espaços circundantes, bem como a depredação de bens públicos existentes nestes edifícios por parte de manifestantes de extrema-direita, configuram actos de terrorismo planeados e minuciosamente organizados pelos seus cabecilhas. Trata-se, pois, de um acontecimento que põe seriamente em causa a sobrevivência da democracia brasileira e que, pelo modo como ocorreu, pode amanhã ameaçar outras democracias no continente e no mundo. Convém, pois, analisá-lo à luz da importância que tem. As características e as lições principais são as seguintes:

  1. O movimento de extrema-direita é global e as suas ações a nível nacional beneficiam das experiências antidemocráticas estrangeiras e muitas vezes agem em aliança com elas. É notória a articulação da extrema-direita brasileira com a extrema-direita norte-americana. O conhecido porta-voz desta, Steve Bannon, é amigo pessoal da família Bolsonaro e tem sido uma figura tutelar da extrema-direita brasileira desde 2013. Além das alianças, as experiências de um país servem de referência a outro país e constituem uma aprendizagem. A invasão da Praça dos Três Poderes em Brasília é um copia “melhorada” da invasão do Capitólio em Washington em 6 de janeiro de 2020, aprendeu com esta e tentou fazer melhor. Foi organizada com mais detalhes, procurou trazer muito mais gente a Brasília, e utilizou várias estratégias para que a segurança pública democrática se sentisse tranquilizada de que nada anormal aconteceria. Os cabecilhas tinham por objetivo ocupar Brasília com pelo menos um milhão de pessoas, criar o caos e permanecer o tempo necessário para permitir a intervenção militar que pusesse fim às instituições democráticas.
  2. Pretende-se fazer acreditar que se trata de movimentos espontâneos. Pelo contrário, são organizados e com capilaridade profunda na sociedade. No caso brasileiro, a invasão de Brasília foi organizada a partir de diferentes cidades e regiões do país, e em cada uma delas havia líderes identificados com número de telefone para poderem ser contactados pelos aderentes. A participação podia ter várias formas. Quem não pudesse viajar para Brasília tinha missões a cumprir nos seus locais, bloqueando a circulação de combustíveis e do abastecimento dos supermercados. O objetivo era criar o caos pela carência de produtos essenciais. Alguns se lembrarão das greves de caminhoneiros dos combustíveis que precipitaram a queda de Salvador Allende e o fim da democracia chilena em setembro de 1973. Por sua vez o caos em Brasília tinha objetivos precisos. Foi invadida a sala de estratégia do Gabinete de Segurança Institucional, situada no porão do Palácio do Planalto, de onde foram furtados documentos sigilosos e armamento ultratecnológico, o que demonstra que havia treinamento e espionagem. Também foram encontradas cinco granadas no Supremo Tribunal Federal e Congresso Nacional.
  3. Em países democráticos, a estratégia da extrema-direita assenta em dois pilares: (1) Investir fortemente nas redes sociais para ganhar as eleições com o objetivo de, se as ganhar, não usar o poder democraticamente nem sair do poder democraticamente. Foi assim com Donald Trump e com Jair Bolsonaro enquanto presidentes. (2) No caso de não ganhar, começar desde cedo a questionar a validade das eleições e declarar que não aceita outro resultado senão a sua vitória. O programa mínimo é perder por pequena margem para tornar mais crível a ideia da fraude eleitoral. Foi assim nas últimas eleições nos EUA e no Brasil.
  4. Para ter êxito, este ataque frontal à democracia necessita de ter o apoio de aliados estratégicos, quer nacionais, quer estrangeiros. No caso dos apoios nacionais, os aliados são forças antidemocráticas, tanto civis como militares, instaladas no aparato do governo e da administração pública que, por ação ou por omissão, facilitam as ações dos revoltosos. No caso brasileiro, é particularmente clamorosa a conivência, passividade e se não mesmo cumplicidade das forças de segurança do Distrito Federal de Brasília e dos seus dirigentes. Com a agravante de que esta região administrativa, por ser a sede do poder político, recebe receitas federais avultadíssimas com o específico propósito de defender as instituições. No caso brasileiro, é também escandaloso que as Forças Armadas se tenham mantido em silêncio, sobretudo quando era conhecido o propósito dos organizadores de criar o caos para provocar a sua intervenção. Por outro lado, as Forças Armadas toleraram que se instalassem acampamentos de manifestantes em frente aos quartéis, uma área de segurança militar, e aí permanecessem durante dois meses. Foi assim que a ideia do golpe prosperou nas redes sociais. Neste caso, o contraste com os EUA é gritante. Quando foi da invasão do Capitólio, os chefes militares norte-americanos fizeram questão de vincar a sua defesa da democracia. Neste sentido, a nomeação do novo ministro da DefesaJosé Múcio Monteiro, que parece apostado num bom e reverencial relacionamento com os militares, não augura nada de bom. É um ministro problemático depois de tudo o que se passou. O Brasil está pagando um preço alto por não ter punido os crimes e os criminosos da ditadura militar (1964-1985), sendo certo que alguns crimes nem sequer prescreveram. Foi isso que permitiu ao ex-presidente Bolsonaro elogiar a ditadura, prestar honras aos torturadores militares e nomear militares, alguns fortemente comprometidos com a ditadura, para cargos importantes de um governo civil e democrático. Só assim se explica que se fale hoje de perigo de golpe militar no Brasil, mas não no Chile ou na Argentina. Como se sabe, nestes dois países os responsáveis pelos crimes da ditadura militar foram julgados e punidos.

  5. Para além dos aliados nacionais, são cruciais os aliados estrangeiros. Tragicamente, no continente latino-americano, os EUA têm sido tradicionalmente o grande aliado de ditadores, quando não mesmo o instigador dos golpes contra a democracia. Acontece que, desta vez, os EUA estiveram do lado da democracia e isso fez toda a diferença no caso do Brasil. Estou convencido de que se os EUA tivessem dado os habituais sinais de encorajamento aos candidatos a ditadores, estaríamos hoje perante um golpe consumado. Infelizmente, e à luz de uma história de mais de cem anos, esta posição dos EUA não se deve a um repentino zelo da defesa internacionalista da democracia. A posição dos EUA foi estritamente determinada por razões internas. Apoiar o bolsonarismo de extrema-direita no Brasil era dar força à extrema-direita trumpista norte-americana que continua a acreditar que a eleição de Joe Biden foi o resultado de fraude eleitoral e que Donald Trump será o próximo presidente dos EUA. Aliás prevejo que manter uma forte extrema-direita no Brasil seja importante para os desígnios da extrema-direita norte-americana nas eleições de 2024. É de prever que se pretenda criar uma situação de ingovernabilidade que dificulte ao máximo a atuação do presidente Lula nos próximos anos. Para que isso não aconteça é necessário que os golpistas e depredadores sejam duramente punidos. E não só eles, mas também os seus mandantes e financiadores.

  6. Para garantir a sustentabilidade da extrema-direita é necessário ter uma base social, dispor de financiadores-organizadores e de uma ideologia suficientemente forte para criar uma realidade paralela. No caso do Brasil, a base social é ampla, dado o caráter excludente da democracia brasileira que faz com que largos setores da sociedade se sintam abandonados pelos políticos democráticos. O Brasil é uma sociedade com grande desigualdade socioeconómica agravada pela discriminação racial e sexual. O sistema democrático potencia tudo isso ao ponto de o Congresso brasileiro ser mais uma caricatura cruel do que uma representação fiel do povo brasileiro. Se não for objeto de profunda reforma política, irá tornar-se totalmente disfuncional. Nestas condições, há um amplo campo de recrutamento para mobilizações de extrema-direita. Obviamente que a grande maioria que delas participa não é fascista. Apenas quer viver com dignidade e desacreditou que isso seja possível em democracia.

Os financiadores-organizadores parecem ser, no caso do brasileiro, setores do baixo capital industrial, agrário, armamentista e de serviços que foram beneficiados pela (des) governação bolsonarista ou com cuja ideologia mais se identificam. No que respeita à ideologia, ela parece assentar em três pilares principais. Em primeiro lugar, a reciclagem da velha ideologia fascista, ou seja, a leitura reacionária dos valores de DeusPátria e Família, a que juntam agora a Liberdade. Trata-se sobretudo de defender incondicionalmente a propriedade privada para com isso (1) poder invadir e ocupar a propriedade pública ou comunitária (territórios indígenas), (2) defender eficazmente a propriedade, o que implica armar as classes proprietárias, (3) ter legitimidade para rejeitar qualquer política ambiental e (4) rejeitar os direitos reprodutivos e das sexualidades, em particular o direito ao aborto e os direitos da população LGBTIQ+.

Em segundo lugar, a ideologia implica a necessidade de criar inimigos a destruir. Os inimigos têm várias escalas, mas a mais global (e abstrata) é o comunismo. Quarenta anos depois de, pelo menos no hemisfério ocidental, terem desaparecido os regimes e os partidos que defendam a implantação de sociedades comunistas, este continua a ser o fantasma contraditoriamente mais abstrato e mais real. Para entender isso é preciso entrar em linha de conta com o terceiro pilar da ideologia de extrema-direita: a criação incessante e capilarizada no tecido social de uma realidade paralela, imune à confrontação com a realidade real, levada a cabo pelas redes sociais e pelas religiões reacionárias (igrejas evangélicas neopentecostais e católicas antipapa Francisco) que com facilidade ligam comunismo e aborto e assim instigam o medo abissal nas populações indefesas, tudo facilitado por estas há muito terem perdido a esperança de ter uma vida digna.

A tentativa de golpe no Brasil é um aviso à navegação. Os democratas brasileiros, latino-americanos, norte-americanos e, afinal, de todo o mundo devem levar muito a sério este aviso. Se o não fizerem, amanhã os fascistas não se limitarão a bater à porta. Certamente a arrombarão sem cerimónia para entrar.

 

[Fonte: http://www.ihu.unisinos.br]

Un passionné d’art et d’Histoire, Álvaro J. Sanjuán, ou Otto Mas, a créé un podcast, Grandes Maricas de la Historia (Les grands pédés de l’Histoire), où il évoque les personnalités homosexuelles cachées des temps anciens. De ce travail, il a tiré un livre du même nom. D’Isaac Newton à Tchaïkovski, en passant par Léonard de Vinci et même Richard Cœur de Lion, « Il y a certes toujours eu des homos, mais c’est autre chose de les rendre visibles ».

Publié par Hocine Bouhadjera

Empereurs, rois, écrivains, intellectuels ou artistes…. De la Grèce classique à la Rome antique, puis le Moyen Âge, la Renaissance ou le XIXe siècle, les grandes figures homosexuelles sont « outées » par Álvaro J. Sanjuán.

Ce dernier a débuté un travail méthodique de redécouverte des personnalités « uraniennes » dès l’âge de neuf ans, à travers le compositeur russe Piotr Tchaïkovski. Au fil du temps, la liste s’allonge, jusqu’à devenir un blog en 2008, plus tard un podcast, et aujourd’hui un ouvrage publié chez l’éditeur, Plan B, en Espagne le 15 septembre dernier.

Pour son émission et ce livre, il s’est par ailleurs appuyé sur les différentes recherches d’universités américaines, anglaises ou françaises, menées à partir des années 1960 et 1970. Peu diffusées car trop scolaires, il a souhaité les vulgariser pour le plus grand nombre.

Pourquoi révéler leur homosexualité ?

« Une histoire séculaire de persécution nous précède », développe-t-il auprès d’El Diario, et d’ajouter : « Du IVe au XVIIIe siècle, il a existé des lois spécifiques réprimant ce qu’on appelait alors, la sodomie », dans des sociétés où les dogmes religieux s’imposaient dans des villes comme la Florence de la Renaissance, où « les amitiés particulières » étaient pratiquées dans des proportions élevées.

Face aux questionnements sur la nécessité ou non de révéler l’homosexualité de tous ces personnages, le professeur d’histoire de l’art répond par une autre interrogation : « S’il n’est pas capital de parler de l’homosexualité de Léonard de Vinci, pourquoi est-il crucial de discuter de l’hétérosexualité d’Henri VIII ? » Et de continuer : « Le nombre de femmes avec lesquelles il était est répété maintes et maintes fois et personne ne dit “qu’importe avec qui il a couché”. En outre être gay, c’est plus que coucher avec quelqu’un. »

De cette liste de noms découle une autre question : comment être assuré de cette homosexualité ? « Je dirais que c’est presque certain à 100 %. Les preuves sont claires et évidentes. Dans de nombreux cas, nous avons des lettres ou des témoignages de l’époque. Il s’agit de preuves circonstancielles, mais nous devons garder à l’esprit que personne n’aurait pu l’écrire explicitement, puisque qu’ils auraient risqué essentiellement la peine de mort. » Il ne nie pas en revanche la bisexualité éventuelle de certaines de ces figures.

D’Alexandre le Grand à George Washington

Álvaro J. Sanjuán est formel : l’homosexualité de Cervantes, Shakespeare, George Washington, Hans Christian Andersen, Michel-Ange ou Alexandre le Grand « a été gommée » par « l’historiographie traditionnelle ». Il développe : « Elle a toujours été effacée au moment où ils devenaient des personnalités importantes ou des personnages historiques. » Il cite l’exemple du petit-neveu de Michel-Ange qui avait décidé d’imprimer l’œuvre poétique de l’artiste avant de se rendre compte que le maître s’adressait aux hommes. Il a alors changé les terminaisons et accords pour transformer le masculin en féminin…

En outre, il rappelle les procès de Léonard de Vinci accusé avec plusieurs habitants de Florence, de sodomie, pour des raisons largement politiques, ou celui d’Oscar Wilde qui termina en prison. Newton a vécu de son côté 15 ans avec un homme, un autre professeur à l’université. Plus tard, il rencontre Nicolas Fatio, aussi scientifique, à qui il a envoyé plusieurs lettres lui proposant de résider avec lui.

Quant à Richard Cœur de Lion, plus surprenant, les chroniqueurs de son règne évoquent une flagellation en 1191 « pour un péché indiscutablement d’ordre sexuel », « probablement un accouplement avec les hommes », affirme Histoire Normandie. Néanmoins, en parallèle, le chroniqueur Roger de Hoveden prête au souverain « des ardeurs libidineuses » à l’encontre de femmes qu’il n’hésitait pas à enlever…

Au sujet du grand auteur de l’Espagne, Miguel de Cervantes, Álvaro J. Sanjuán explique : « Aujourd’hui, nous pouvons penser qu’il était homosexuel. Il évoluait dans des milieux homosexuels dans une époque où être un inverti signifiait être potentiellement exécuté. Ce serait donc étrange qu’un hétérosexuel mette sa vie en danger de la sorte. » En outre, jusqu’au XXe siècle, son ascendance juive a également été cachée.

L’un des plus importants guerriers de la France d’Ancien Régime, Le Grand Condé, était lui célèbre pour son homosexualité, jusqu’à être contraint par le roi Louix XIV lui-même, à épouser une femme. Virilité et hétérosexualité ne sont ainsi, historiquement, tout sauf liées.

À propos de La Recherche de Marcel Proust, juif et homosexuel, Antoine Compagnon nous avait confié il y a peu : « Il n’était pas question pour Proust de faire de son héros et narrateur un juif ou un inverti. Les choses ont changé depuis : il m’est arrivé de dire que pendant longtemps, il était lu, bien qu’il fut juif et homosexuel, et puis il est arrivé une période, à partir des années 70-80, où, au contraire, on s’est beaucoup intéressé à cette œuvre, parce qu’elle était celle d’un juif et d’un homosexuel. Les sensibilités évoluent et peuvent encore évoluer. »

Depuis la saison 2 de son podcast, Álvaro J. Sanjuán traite aussi des lesbiennes cachées de notre Histoire partagée.

 

[Illustration : Plan B – source : http://www.actualitte.com]

Berlin-Wannsee, 1925 : deux couples de femmes dansent sur la plage au son d’un gramophone… Le plaisir du son, la rencontre des corps… L’image aussi sensuelle que mystérieuse s’affiche en couverture de l’essai d’Playlist : Musique et Sexualité.

 

Écrit par Michèle Tosi

Quelle est la place de la musique dans la pratique sexuelle des individus et celle du sexe dans la pratique musicale ? Quelles sont les musiques qui peuvent accompagner ou susciter l’acte sexuel ? Comment la musique exerce-t-elle son pouvoir érogène ? Quel lien entretiennent le sexe et le son ? Autant de questions auxquelles répond Playlist, l’essai d’, musicologue et directeur d’études à l’École des Hautes études en sciences sociales, dans un ouvrage qui, selon ses termes, « voudrait contribuer à une histoire sonore de la sexualité ou encore à ce que l’on pourrait appeler, avec un clin d’œil, les sex sound studies ».

Comme toutes les playlists, celle d’Esteban Buch comporte un certain nombre de plages, 16 numéros que l’on peut lire en continu ou parcourir de manière aléatoire, chacun d’eux abordant la problématique sous un angle singulier qui défie toute chronologie. L’auteur suscite lui-même des entretiens avec les personnes de son choix (4. Monique et Rémy et les autres) ou nous fait part des enquêtes menées ici ou là, en Grande-Bretagne par exemple (2. Sex playlists) pour le compte de Spotify. La plage 3 consacre une étude à Comizi d’amore, ossia Il Don Giovanni de Pier Paolo Pasolini, un film-enquête sur la sexualité où les interviews sont systématiquement accompagnées par la musique du Don Giovanni de Mozart. Le morceau choisi pour faire l’amour diffère selon la pratique et le ressenti de chacun.e : il peut être simple toile de fond ou requérir une écoute plus investie, la musique pouvant même s’inviter en tant que troisième voix, virtuelle ou dûment incarnée : tel qu’en témoignent ces deux fresques de Pompéi (8. « Triangle à Pompéi ») reproduites et décrites par l’auteur, où le joueur de tibia (tibicen) se penche en avant « pour que l’instrument soit au plus près des corps des amants ». Dans « Machines du meilleur des mondes », Buch s’intéresse à l’analyse du jazz à travers un texte inédit d’Adorno (retiré d’ « Über jazz ») et creuse la question du lien entre sexualité et danse.

Les numéros 9 à 16 se consacrent plus spécifiquement aux œuvres du répertoire : Lady Macbeth du district de Mtsensk et la censure de Staline, L’Histoire du soldat de Stravinsky (16. « Remède à la mélancolie »), Sonata erotica (performance scénarisée de l’acte sexuel signée Erwin Schulhoff) ou encore Tristan und Isolde et l’érotisme musical wagnérien. Dans sa critique du capitalisme patriarcal, relevée par l’auteur (9. « Dada et Isolde »), Susan McClary (cf. Ouverture féministe, Musique, genre, sexualité) analyse le processus du climax final des œuvres classiques et établit une analogie formelle entre cet état climactique et l’orgasme masculin. Rien de tel dans Sonata y Oswaldo, une performance de la Nord-américaine Carmen Balieiro (12. « Aimer la musique ») où l’interprète, Sonata, vient s’allonger sur Oswaldo (croquis à l’appui), faisant l’amour avec son piano. Dans « je t’aime et cœtera » (14), la chanson de Gainsbourg à côté de celle de Madonna (Erotica) et cette même Erotica de Pierre Schaeffer et Pierre Henry (extraite de Symphonie pour un homme seul) sont autant de titres qui fêtent l’amour et le sexe.

D’autres facettes (plaisir et pouvoir), d’autres horizons (l’organologie, le monde animal) et d’autres pratiques amoureuses en musique nourrissent ce flux de variations sur le même thème, « tant le sexe et l’amour sont présents dans toute l’histoire de la musique, quel que soit le genre musical concerné », souligne l’auteur.

Peu d’auteurs s’étaient encore penchés avec une telle pertinence sur la relation musique et libido ; cette vaste enquête sociologique menée de main de maître par Esteban Buch exerce au fil des pages un indéniable pouvoir attractif.

Playlist, « Musique et Sexualité ». Esteban Buch. Éditions MF. 297 pages. 20 euros. Septembre 2022

 

 

[Source : http://www.resmusica.com]

La estimulación sexual y el deseo son aspectos intrínsecos a la experiencia humana. Como feministas, nuestro horizonte no puede ser su limitación sino su desborde hacia « políticas de producir placer » más satisfactorias.

Rapto de las hijas de Leucipo, de Pedro Pablo Rubens, hacia 1618

Escrito por Julia Cámara

Estoy leyendo Delta de Venus. Me lo llevo al trabajo metido al fondo del bolso, con esa cubierta preciosa que tiene la edición de Bruguera de 1980, que me regaló una amiga, delatando su contenido (una no sabe nunca si es un cuadro o una fotografía muy trabajada), y lo abro en los descansos de mediodía tratando de rascar unos minutos al tedio inhumano que la relación salarial provoca. Hay algo fascinante en recrearse en las sensaciones, en percibir cómo la lectura provoca cambios en la piel o en el ancho de las pupilas o en el ritmo de la respiración y la estabilidad de las piernas, algo cautivador en ese (en palabras de la propia Anaïs Nin) no manejarse a sí misma de manera objetiva, sino como una mujer que estuviera indagando la exacta condición de su cuerpo. La contraportada reza: « ¿Erotismo? ¿O directamente y sin paños tibios, pornografía? ».

En los últimos años, el debate público en torno a la violencia sexual y la contundente respuesta del movimiento feminista a la permisividad social y la reproducción institucional de la misma han traído de vuelta posiciones que, en su intento de defender y proteger a las mujeres, nuestra integridad y nuestros cuerpos, están cargadas de moralismo e infantilización forzada. No hay capacidad de agencia posible en un mundo donde necesitamos permanentemente ser protegidas, donde se nos presupone el estatus de víctima en vez de imaginar formas alternativas de reaccionar ante la violencia, donde la etiqueta de « peligro » precinta todo contacto sexual por mucho que sea buscado. Cuidado: si una desoye la señal de alarma, entonces quizá es responsable (¿culpable?) del potencial daño. Y también: es tremendamente fácil traspasar la línea entre fiscalizar el deseo ajeno (qué es y qué no es feminista) y acabar prescribiendo sexo solo con una persona, con la luz apagada y sin tocar demasiado.

En este contexto, la pornografía, como máxima expresión de la sexualidad explícita y, en la actualidad, poderosa industria cultural que reproduce y asienta todo tipo de estereotipos y de jerarquías sociales y sexuales, se ha convertido en un potente catalizador de pánicos morales, posicionamientos identitarios y propuestas de censura. Aunque, pensándolo bien, ¿es posible hablar de censura cuando lo censurado no tiene, según sus detractoras, valor social alguno? El pasado marzo Ana Valero Heredia, doctora en Derecho Constitucional y profesora de la UCLM, publicaba La libertad de la pornografía (Athenaica, 2022), un libro que se presenta como « el primer estudio en lengua española que afronta la pornografía desde una perspectiva integral, incluido el enfoque jurídico ». O al menos, eso afirma en el prólogo la directora Erika Lust, famosa por la etiqueta « porno para mujeres » y una de las principales voces disidentes dentro de la industria. Se trata de una lectura ágil pero apoyada en una multitud de estadísticas y referencias jurídicas, que se agradece por lo que de seriedad y rigurosidad aporta al debate. Pero el acercamiento de la autora al tema, situado estrictamente en el plano de generación de discurso y de acceso al mismo (consumo), deja fuera aspectos fundamentales del problema y nos impide hablar de una « perspectiva integral » en el tratamiento de la pornografía. En los párrafos siguientes trato de desgranar todo esto, proponiendo un triple acercamiento que, lejos de cuestionar, desarrolla y amplía lo planteado por Ana Valero.

1. El porno como discurso

Si cuando hablamos de porno la discusión enseguida se enerva, la fórmula más técnica de « expresiones pornográficas o sexualmente explícitas » genera un momento de desorientación que nos permite calmar el debate y situarlo históricamente. ¿Cuál ha sido el papel de la expresión pornográfica a lo largo de la historia, de qué maneras se ha representado y expresado la sexualidad en diferentes momentos y cuál ha sido la respuesta social mayoritariamente dada? Ana Valero desglosa, en el primer capítulo del libro, todas estas preguntas, mostrando algo quizá sabido pero que nunca está de más recordar: que muchas de las obras (literarias, plásticas) que ahora reconocemos como valiosas culturalmente fueron, en el momento de su aparición, censuradas por pornográficas. Que el principal argumento esgrimido por sus detractores y detractoras fue siempre el escándalo, la obscenidad y la incitación al deseo (considerando esto último no como algo estimulante y revitalizador, sino reprobable y peligroso). Y que las prescripciones morales cambian constantemente, por lo que la libertad de la expresión sexualmente explícita debe estar protegida y garantizada. O lo que es lo mismo: la libertad de la pornografía.

Muchas de las obras que ahora reconocemos como valiosas culturalmente fueron, en el momento de su aparición, censuradas por pornográficas

Caracterizando el porno como un tipo específico de discurso (el que es sexualmente explícito) y desde la óptica de la jurisprudencia y la filosofía del derecho, la autora analiza en el segundo capítulo las bases jurídicas de las limitaciones impuestas en distintos países a su circulación y consumo. En primer lugar, la escasa consistencia de la « obscenidad » como categoría constitucional y la frontera difusa que la separa de posiciones represoras o moralmente extremistas: ¿es la pornografía obscena porque nos ofende (¿y es este motivo suficiente para ser prohibida?) o por su indecencia? Y, por otro lado: ¿cuáles son los criterios para caracterizar la pornografía como discurso vacío de valor social o artístico y, por tanto, proclive a ser situado en los márgenes de la libertad de expresión? Lo que Ana Valero demuestra es la imposibilidad de asignar un « valor » al discurso sexual sin caer en criterios morales fuertemente marcados por las convenciones sociales, que llevan necesariamente a la persecución de todo lo transgresor y estridente.

Adoptando un posicionamiento liberal, la autora dedica el resto del libro a tratar de discernir si existe o no un nexo causal entre discurso y daño real, concreto e inminente, único argumento que justificaría un recorte en la libertad de expresión. El acercamiento al porno es, por tanto, estrictamente discursivo. Como discurso, la pornografía se difunde y se consume, y el acceso a la misma no debe sufrir restricciones, salvo cuando conlleve un daño claro e inmediato. Pero, estando de acuerdo con esto, ¿quién y cómo produce esos discursos? ¿Hay posibilidad de daño únicamente en su consumo? ¿No sería acaso necesario indagar acerca del proceso mismo de producción de expresión? O lo que es lo mismo: ¿qué narices pasa con la industria del porno?

2. El porno como industria

Que la pornográfica es una industria que mueve millones no es ningún secreto. Ana Valero da un dato: según varios estudios, la nueva pornografía online generaría al año unos 97 millones de dólares. Sin embargo, no hay en el libro ninguna alusión a la industria que vaya más allá del desglose de sus contenidos. Como en demasiadas ocasiones cuando hablamos de fenómenos relacionados con el sexo el análisis se queda en el plano de la dimensión cultural o de los efectos materiales de esta, sin entrar en el terreno de las relaciones sociales (de producción) que se dan en el porno. En las escasas excepciones en que el debate público aborda esto, es común que sea a través de relatos en primera persona marcados por el arrepentimiento y la vergüenza, perfectamente funcionales al puritanismo y la narrativa moralista, y muy poco útiles para buscar soluciones a problemas colectivos reales.

Una aproximación jurídica a la pornografía que pretenda ser integral no puede obviar el marco jurídico relativo a las relaciones laborales, los derechos de las trabajadoras y trabajadores de la industria del porno y las garantías legales previstas para evitar abusos y malas prácticas. Más allá de la consideración personal que nos merezca el trabajo sexual, lo cierto es que, bajo la actual legislación del Estado español, este puede constituir objeto de contrato de trabajo en muchas de sus formas: performers, trabajadoras de alterne, de centros de masaje… y actrices y actores porno. La polémica ilegalización del sindicato OTRAS y la posterior sentencia del Supremo son evidencia, sin embargo, de los enormes problemas que las trabajadoras sexuales tienen para organizarse y aumentar su capacidad de negociación. Y si hay algún criterio que nos pueda permitir valorar el nivel de daño que puede generar un producto cultural, este debería buscarse en las condiciones en que ha sido producido más que en si su contenido se adapta o no a las convenciones morales del momento.

Una aproximación jurídica a la pornografía que pretenda ser integral no puede obviar el marco jurídico relativo a las relaciones laborales

En el (fantástico) libro Putas insolentes (Traficantes de sueños, 2020), Juno Mac y Molly Smith levantan el que probablemente sea el argumentario más sólido y completo hasta la fecha a favor de los derechos de las trabajadoras sexuales. Y aunque la prostitución y la pornografía son trabajos distintos, el eje central sobre el que las autoras pivotan nos es útil también aquí: no es nuestra concepción del sexo en sí ni de determinadas prácticas sexuales lo que debe estar en la base de las propuestas políticas para el trabajo sexual, sino la búsqueda de una mejora de la correlación de fuerzas a favor de las trabajadoras frente a las patronales y la industria.

En el porno, sí, hay abusos. La industria pornográfica, como toda gran máquina de hacer dinero, busca maximizar su margen de beneficios pagando salarios mínimos o descuidando las condiciones de trabajo (son comunes los testimonios de actrices que tienen que llevar consigo sus propios condones o lubricante). El racismo, el machismo y la transfobia contribuyen a degradar el trato que se recibe en los rodajes e imponen limitaciones importantes en elección de papeles y el desarrollo profesional de los actores. Un abordaje jurídico integral al problema de la pornografía debe dar respuesta a esto planteando medidas que abarquen desde un convenio propio para el sector (con sus correspondientes tablas salariales, limitación de jornadas, etc.) hasta regulaciones que impidan prácticas claramente abusivas pero comunes en algunas grandes productoras, como la inexistencia de guiones previos que permitan pactar la realización o no de ciertas escenas. Dar poder y garantías jurídicas a las trabajadoras es la única forma de procurar una pornografía verdaderamente libre. Todo lo libre, al menos, que puede serlo algo inserto en las relaciones sociales de la sociedad capitalista.

3. El porno como sexo

Los dos últimos capítulos del libro de Ana Valero están dedicados a analizar si existe o no relación causal entre el consumo de pornografía, por un lado, y la violencia contra las mujeres y la construcción de una sexualidad violenta o agresiva en niños y adolescentes, por otro. Me interesa, más que incidir en lo primero (que, como la autora expone, ha quedado de sobra descartado por numerosos estudios), pensar cómo actuar ante lo segundo y de qué manera el porno se relaciona con nuestros deseos y prácticas sexuales. ¿Somos capaces de construir imaginarios sexuales no dependientes del escaso abanico de posibilidades que nos muestra el porno mainstream? ¿Disponemos de herramientas para reconocer y cartografiar nuestro deseo, para asumirlo y detectar lo que nos gusta y apetece? ¿Qué alternativas ofrecemos a la represión sexual (que engendra no solo frustraciones, sino también monstruos) y al liberalismo del « todo vale » que no las mismas violencias y desigualdades de siempre?

El consumo de porno en la adolescencia, en una sociedad donde la educación sexual brilla por su ausencia, juega un papel clave en la idea que niños y jóvenes tienen del sexo

Los datos varían, pero los distintos estudios e informes aportados por la autora sostienen que el primer contacto con la pornografía llega entre los ocho y los 12 años, y su consumo es generalizado a partir de los 13-14, especialmente en chicos. Es evidente que el consumo de porno, en un momento de construcción de la propia personalidad y de experimentación sexual como es la adolescencia, y en una sociedad donde la educación sexual temprana brilla por su ausencia, juega un papel clave en la idea que niños y jóvenes tienen del sexo. Valero Heredia sostiene que el porno gratuito constituye la principal herramienta de aprendizaje sexual en la adolescencia, lo que lleva a los chicos a normalizar actitudes irrespetuosas y de falta de cuidado, y a las chicas a asumir un canon de deseabilidad y disponibilidad corporal poco realista. Frente a esto, las medidas legales tomadas por diferentes países han ido enfocadas a tratar de controlar el acceso al porno online mediante sistemas de verificación de edad, basándose en criterios de protección de la infancia y del estatus « para adultos » de los contenidos sexualmente explícitos. El recorrido por estos intentos que se ofrece en el libro evidencia, sin embargo, la dificultad de esta tarea.

La libertad de la pornografía cierra su último capítulo con un alegato en defensa de una educación afectivo-sexual integral, que vincule sexualidad y fortalecimiento emocional y que contribuya al desarrollo personal de niños y jóvenes. La pregunta debería ser evidente: si el problema radica en que el porno es lo único que ofrece algún tipo de explicación sobre qué es el sexo y qué es el deseo, ¿no deberíamos, como sociedad, producir otros discursos que sí tengan vocación educativa y que anulen o reduzcan el impacto nocivo del consumo de pornografía antes de que esta se produzca?

El porno es ficción. Se construye, como todas las ficciones, sobre elementos presentes en la vida real, sobre temores y prejuicios, sobre ambiciones y anhelos. Comprender esto es fundamental para conocer y disfrutar la propia sexualidad y para establecer relaciones honestas y desacomplejadas con nosotras mismas y con la gente con la que follamos. La curiosidad, la estimulación sexual y el deseo son aspectos intrínsecos a la experiencia humana y tienen la capacidad de mejorar exponencialmente nuestros niveles de felicidad y de bienestar personal y relacional. Como feministas, nuestro horizonte no puede ser su limitación sino su desborde hacia « políticas de producir placer » más igualitarias, emancipadoras y satisfactorias para todas.

 

[Fuente: http://www.ctxt.es]

Aline Kominsky-Crumb tinha-se mudado para o Sul de França, onde vivia com o marido, Robert. Artista underground, deixou-se espantar quando galerias do mundo inteiro passaram a querer expor as suas obras. Feminista controversa e sem tabus, a artista norte-americana de origem judaica rompeu os dogmas coletivos e inspirou gerações. Morreu aos 74 anos

Morreu terça-feira, na sua casa em França, a artista Aline Kominsky-Crumb. Tinha 74 anos e um legado com sementes na contracultura da década de 1960 que não simpatizava com as mulheres artistas.

O humor de Kominsky-Crumb foi suficientemente corrosivo para romper grande parte das limitações que eram impostas ao seu género. A franqueza e a familiaridade com a autodestruição pautavam as suas obras, estilo que inspirou novos contadores de histórias imagéticas e que se infiltrou pela cultura de forma transversal.

Nasceu Aline Goldsmith e cresceu em Long Island, estado de Nova Iorque. Sobre esse passado primordial, os primeiros anos de infância e juventude, a artista revelou, numa grande entrevista com o Expresso, a inadequação que sentia e como a arte salvou a sua sanidade mental.

“A minha família era totalmente inculta. Eram comerciantes. Só tentavam fazer dinheiro, eram judeus americanos em Nova Iorque. Queriam ficar cada vez mais ricos, com casas cada vez mais chiques, tudo nessa lógica de novo-rico. Eu era uma estudante mesmo boa e o que queria era ir para a faculdade de Medicina. E eles disseram-me: ‘Não, tu podes casar-te com um médico, mas não podes ser médica’. Eram os anos 1950. […] Seja como for, comecei a ler e a desenhar quando tinha oito anos, para fugir a essa cultura de que nunca gostei e em que nunca me senti confortável. Era mesmo um lugar desconfortável”.

Enveredou pelo universo do underground, na Universidade do Arizona, no final dos anos 60. Há cerca de três meses, em entrevista com o Expresso, explicou como o trabalho que fazia com o marido, Robert Crumb, era “tão underground e tão fora de tudo” que era “espantoso” como grandes galerias internacionais o queriam expor.

Foi em 1972 que a cartoonista se mudou para São Francisco para seguir a carreira artística. Na cidade das liberdades, conheceu o ícone Robert Crumb. Casaram-se em 1978 e tiveram uma filha, Sophie, em 1981, de que Aline Kominsky-Crumb falou também ao Expresso, notando como partilharam as experiências de ambas com o aborto e entrega de um filho para a adoção.

Uma das fundadoras do grupo feminino que produziu a antologia feminista “Wimmin’s Comix” partiu na década de 70 para fazer o próprio destino com a publicação “Twisted Sisters”. A banda desenhada incidia em questões como o empoderamento feminino, críticas ao patriarcado, sexualidade e identidade norte-americana e judaica. Aline transgrediu regras com o humor baseado no grotesco que desafiava as convenções de género e criou uma identidade enquanto Kominsky-Crumb, merecedora de reinterpretações em vários módulos da arte do século XXI.

Colaborou, depois, com o marido numa publicação esporádica, “Aline and Bob’s Dirty Laundry”. Nos anos 80 foi nomeada editora da influente revista “Weirdo”, fundada por Robert. Mas foi na década de 2000 que o trabalho de Kominsky-Crumb se tornou mais conhecido, com galerias de todo o mundo a requisitarem as suas obras.

A artista voltava assim aos lugares de onde tinha ido buscar sentido. “A arte salvou-me, salvou a minha sanidade mental”, expôs-se em entrevista com o Expresso. “Quando ia a museus para ver obras-primas, isso fazia tão bem à minha alma que me dava um motivo para viver”.

 

[Fonte: http://www.expresso.pt]

A partir du schéma de complémentarité entre autorité religieuse et pouvoir politique, Irène Théry interprète MeToo comme la dernière d’une série de révolutions du consentement qui remonte au XVIe s.

Écrit par Alain POLICAR

Certains écrivent des livres, tandis que d’autres, bien moins nombreux, construisent des œuvres. À l’évidence, Irène Théry appartient à la seconde catégorie. Aussi faut-il rappeler les acquis essentiels que ses travaux antérieurs, souvent ignorés de ses contemporains, ont patiemment élaborés, tout particulièrement depuis Le démariage (1993) puis La distinction de sexe (2007), dont le sous-titre, Une nouvelle approche de l’égalité, indique l’orientation d’un programme de recherche. L’année suivante, elle faisait paraître Ce que le genre fait aux personnes (2008), dont l’intitulé exprime un des axes majeurs de sa pensée, l’attention aux personnes, dans une rigoureuse fidélité aux enseignements de Marcel Mauss, son maître, précise-t-elle. Cette précision est évidemment fondamentale car elle explique largement ses choix, notamment dans sa vive critique de ce que la plupart prennent pour argent comptant : l’explication bourdieusienne de la « domination masculine ».

Avec Moi aussi, nous n’avons pas affaire à un ouvrage de circonstance. Certes, les transformations récentes de la condition féminine sont analysées avec rigueur et précision. Mais elles le sont dans le temps long de ce que l’autrice nomme les révolutions du consentement. Le regard éloigné que permet la perspective historique sert avant tout, par le biais d’une passionnante leçon de méthode, à donner de l’évolution de notre société une analyse profondément originale.

Être minoritaire

Moi aussi. La nouvelle civilité sexuelle – Irène Théry 2022 Seuil 400 pages

On sait que Freud considérait avec une certaine jubilation sa condition de minoritaire, qui lui avait permis, disait-il, de résister aux idées reçues de la « majorité compacte ». Il est difficile de ne pas songer à cet état d’esprit en lisant Irène Théry. Sans qu’elle l’ait choisi   , il lui a permis d’observer ce qu’elle nommait, dès 1993, la « déperdition du sens et des valeurs démocratiques » et, surtout, d’en dégager le principe, la délégitimation du droit et la transformation corrélative de la justice en appareil de régulation des besoins sociaux. Car l’individualisme, compris non comme valorisation de l’autonomie mais comme sacre de l’indépendance   , fait de l’individu la source de ses représentations et de ses actes, sans accorder à l’institution la moindre force contraignante. Or, en lectrice attentive de Vincent Descombes, Irène Théry sait le poids de ce que le philosophe a nommé « les institutions du sens » (selon le titre de l’ouvrage publié en 1996). Ce sont ces institutions qui expliquent que la norme ne relève pas d’un quelconque ordre naturel, ni ne se réduit à un outil de domination, comme le pense le courant majoritaire en sociologie du genre.

Très tôt dans sa vie intellectuelle, Irène Théry a résisté à la vulgate dominante. Son opposition à une figure féministe majeure, Colette Guillaumin, est assez paradigmatique : dans les années 1970, au sein de La Revue d’en face, créée par « un petit collectif de femmes émancipées de tous les dogmatismes »   , elle s’oppose à la description des femmes en tant que « serves » (selon le mot de C. Guillaumin), laquelle est jugée peu éclairante. Cette opposition exprime le refus des approches de la réalité par le « dévoilement » (celui des mécanismes censés nous mouvoir à notre insu), qu’il soit, précise-t-elle, « militant ou sociologique », et fonde un choix théorique décisif, celui de s’approprier, par la voie longue de l’étude et de l’enquête, « une pensée du général traditionnellement réservée aux hommes »   .

Ce faisant, en s’éloignant des théories féministes de l’action (qui ne se demandent pas ce qu’est le lien social mais se préoccupent avant tout, écrit-elle, de le critiquer ou de le transformer), Irène Théry affronte les questions épistémologiques fondamentales de la sociologie et de l’anthropologie : qu’est-ce qu’une société, qu’entendons-nous par social lorsque « nous disons que l’être humain est “social”, que telle relation est “sociale” ou que la différence des sexes est “sociale” ? »   .

La différence des sexes, thématique qui parcourt toute l’œuvre d’Irène Théry, est le terrain privilégié de ce questionnement.

Domination masculine ou complémentarité hiérarchique ?

Dans la perspective que l’autrice nomme « ensembliste-identitaire »   , aujourd’hui dominante, il n’y a guère de place pour la personne, au sens que Marcel Mauss donnait à ce terme   . En effet, les sociétés y sont décrites comme de simples collections d’individus, des populations divisées en sous-groupes identitaires aux intérêts opposés n’ayant ainsi entre eux que des rapports de pouvoir. Dans cette optique, il n’est pas étonnant que les analyses de Bourdieu sur la domination masculine (titre de son livre de 1998) aient rencontré un large écho. Certains schémas explicatifs privilégiés par les épigones de ce que l’on a nommé « les penseurs du soupçon » accordent aux causes souterraines une prééminence dans l’explication du comportement. L’une des raisons de la force de ces schémas tient sans doute au fait qu’ils donnent le sentiment à qui les utilise d’échapper à l’aveuglement de ses contemporains : il est celui qui ne se laisse pas duper par les apparences et qui sait bien que des forces obscures dictent nos actions. Il ne s’agit pas, bien entendu, de contester le fait que nous soyons soumis à des déterminations. Mais ne sommes-nous que cela ? Sommes-nous fondamentalement cela ? Les passions, les contingences, les zones d’incertitude entrent aussi dans la destinée humaine. On ne saurait dès lors se satisfaire du dévoilement bourdieusien de ce qui serait l’universelle domination de la « classe des hommes » sur la « classe des femmes », domination à laquelle celles-ci consentiraient, se faisant ainsi les agents de leur propre aliénation.

Face à ce sociocentrisme, la connaissance ethnologique, celle des œuvres de Denise Paulme, Germaine Tillion, Mary Douglas ou encore Maurice Godelier (la liste n’est évidemment pas exhaustive), donne à voir une autre réalité, une « nouvelle anthropologie de la distinction de sexe »   , décrivant « la dimension sexuée des rituels, des modes de vie, des cosmologies, la hiérarchie des statuts masculins et féminins dans et hors de la parenté »   .

Dimension sexuée et non sexuelle : comme le souligne Irène Théry (d’abord dans un article d’Esprit d’octobre 1999), « la confusion du sexué et du sexuel rabat le symbolique sur la sexualité et fait de ce qui appartient à tous le privilège de la majorité ». Elle poursuit : « car qu’est-ce qui appartient davantage à tous que notre lot commun, c’est-à-dire le langage, la culture et la société dans laquelle nous sommes tous nés ? La culture humaine, instituant la différence des sexes, non seulement la propose mais l’impose à tous. Homosexuels ou hétérosexuels, nous sommes tous hommes et femmes, tous inscrits dans le masculin et le féminin, nous vivons tous dans la différence des sexes, et nous contribuons tous, aussi, à transformer les stéréotypes attachés aux genres dans la société qui est la nôtre »   . La différence des sexes ne doit donc pas être confondue avec l’hétérosexualité ou avec le couple homme/femme, mais elle inclut les relations masculin/masculin ou féminin/féminin. Il faut donc en rendre compte par un autre modèle que celui de la domination. C’est Louis Dumont qui en fournit le principe.

En 1966, dans Homo hierarchicus, il se propose de comprendre le système des castes sans y projeter les catégories occidentales. Il oppose ainsi les sociétés « holistes », où la totalité sociale précède et englobe ses membres, aux sociétés « individualistes », dont l’idéologie érige l’individu en fondement et finalité de la société. Mais, pour l’anthropologue, la dimension « holiste » n’a pas disparu des sociétés modernes, et son occultation constitue le foyer des traits les plus préoccupants du XXe siècle : racisme et totalitarisme. Aussi est-il attentif à la hiérarchie, qui n’est aucunement le moment d’une évolution mais, bien au contraire, une dimension constitutive de l’ordre social que la modernité a malencontreusement cherché à éradiquer (notons que hiérarchie est différent de ce que nous mettons généralement derrière ce terme que, le plus souvent, nous nous contentons d’opposer à égalité).

Pour Dumont, la marque de la hiérarchie véritable se trouve dans la notion de complémentarité hiérarchique. En se fondant sur les relations entre l’Église et l’empereur, telles qu’elles ont été théorisées par le pape Gélase autour de 500, il précise : « Le prêtre est donc subordonné au roi dans les affaires mondaines qui concernent l’ordre public. Ce que les commentateurs modernes manquent à voir pleinement, c’est que le niveau de considération s’est déplacé des hauteurs du salut à la bassesse des choses de ce monde. Les prêtres sont supérieurs, car c’est seulement à un niveau inférieur qu’ils sont inférieurs »   . Or, Irène Théry montre de façon convaincante que la complémentarité hiérarchique, ou « englobement de la valeur contraire », rend compte des rapports entre le masculin et le féminin. Dans la « cité des hommes », écrit-elle en citant Nicole Loraux, le masculin l’emporte sur le féminin et, bien entendu, l’exercice du pouvoir politique s’accompagne de formes multiples de domination exercées par les hommes. Mais, ajoute-t-elle, « croire que la domination serait la vérité cachée de la hiérarchie, c’est confondre l’autorité et le pouvoir, une confusion typiquement individualiste contemporaine »   .

Or, le glissement de la hiérarchie des statuts à une hiérarchie ontologique menace tout particulièrement les sociétés « individualistes »   . Si bien qu’il est permis de dire que la modernité « individualiste » n’a pas remis en cause la partition traditionnelle du masculin et du féminin. Tout s’est passé, souligne fortement Irène Théry, « comme s’il avait été possible d’imaginer de renverser la hiérarchie des naissances de la société aristocratique et d’affirmer l’égalité fondamentale des individus en général, mais qu’en revanche le principe de complémentarité hiérarchique avait semblé indiscutable dans les rapports entre hommes et femmes, car ancré dans une différence de nature qui rendait “impensable” de remettre en question le partage sexué des rôles et des statuts que l’on avait toujours connu »   .

Néanmoins, malgré le caractère structurel de ce grand partage sexué, il est possible de décrire les évolutions majeures de la condition faite aux femmes. Et c’est avec une compétence d’historienne, servie par une admirable maîtrise du droit – maîtrise qui lui permet, dans le temps long, de ne pas confondre règles et régularités, statuts et identités, attributions et attributs – qu’Irène Théry analyse ce qu’elle désigne comme les « révolutions du consentement ».

Les trois révolutions du consentement

Nous les évoquerons rapidement, non seulement parce qu’elles ont déjà été abondamment décrites, mais aussi parce que la justesse de l’épure est la conséquence des choix théoriques précédemment évoqués.

La première révolution du consentement, au XVIsiècle est, selon l’autrice, « un compromis entre la puissance religieuse et la puissance séculière »   , avec deux innovations : la règle de publicité du mariage (concile de Trente), et le rapt de séduction (qui apparaît pour la première fois avec l’ordonnance royale de Blois en 1579). Entre le XIet le XIIIe siècle, il faut, selon la volonté de l’Église, échapper au péché de chair pour sauver son âme : dès lors, soit on s’abstiendra de toute sexualité, soit on consentira au mariage (indissoluble) en vue de la procréation. Dès lors, les relations sexuelles hors mariage faisaient parfois l’objet de mariages clandestins (et donc potentiellement de mésalliances). Mais ce monopole de l’Église en matière de mariage est contesté par la puissance séculière, pour laquelle il est une institution majeure de la vie sociale : la sexualité procréatrice est notamment indissociable de la transmission des biens, ce qui renforce l’exigence du consentement des parents. Mais l’Église ne voulant pas revenir sur les mariages clandestins, la société médiévale va trouver un compromis en inventant le « rapt de séduction » : l’Église ne peut alors annuler un mariage que s’il est prouvé qu’il y a eu viol ou rapt. Dès l’instant où le consentement n’est pas libre (c’est le cas si celui des parents n’a pas été donné), le mariage peut être annulé. C’est, selon Irène Théry, une étape majeure vers la sécularisation du mariage et de la civilité sexuelle, civilité entendue comme un système de mœurs et de valeurs par lequel une société met en signification la vie sexuelle par division entre une sexualité permise et une sexualité interdite. La civilité sexuelle touche donc aux traits fondamentaux d’une culture.

La deuxième révolution est celle de la création du mariage civil en 1791. Elle consacre le mariage d’amour et, sous l’influence des penseurs des Lumières, réhabilite (partiellement) la sexualité. Néanmoins, le Code Napoléon met en place un « ordre sexuel matrimonial » dans lequel la dimension du genre devient centrale. Les attentes à l’égard des hommes et des femmes sont profondément différentes : Irène Théry oppose une « sexualité de conquête » à une « sexualité de citadelle »   . Au fond, la société d’ordres mise à bas, demeure « la hiérarchie au cœur des institutions les plus fondamentales (droit politique, droit de la famille), qui oppose le statut de tous les hommes au statut de toutes les femmes »   . Dans la société bourgeoise du XIXet d’une bonne partie du XXsiècle, la civilité sexuelle aggrave une division des femmes sans équivalent chez les hommes entre celles que l’on épouse et celles dont on jouit sans scrupule. On est en présence d’un principe de sous-responsabilisation des hommes et de sur-responsabilisation des femmes. Il faut insister sur cette dissymétrie sexuée qui, selon Irène Théry, n’aurait pas été correctement perçue par les féministes des années 1970 et, par conséquent, n’aurait pas été réellement mise en cause. Ce point, faut-il le souligner, est important, car c’est cette dissymétrie qui n’a pas toujours permis de déceler le « consentement extorqué ». C’est ce principe d’asymétrie qui va être refusé lors de la troisième révolution du consentement.

Cette dernière, guidée par l’idéal d’égalité des sexes, commence dans les années 1970. C’est le moment où émerge une valeur « éminemment relationnelle : la considération portée à l’autre que soi comme un ou une égale à la fois semblable et différente de soi »   , autrement dit la valeur majeure d’interlocution. Le grand changement, c’est donc l’émergence (dont les prémices se situent dans les années 1930) d’un nouvel idéal de couple liant amour et sexualité, ce qu’Irène Théry nomme le « couple duo », organisé autour de la conversation amoureuse et sexuelle, idéal que partagent hétérosexuels et homosexuels. Dans cette configuration, la norme matrimoniale est totalement bouleversée : se marier ou non, se démarier (n’oublions pas qu’Irène Théry a inventé le suggestif concept de « démariage »), devient une affaire de conscience personnelle. En d’autres termes, le mariage n’est plus l’opérateur séparant sexualité permise et sexualité interdite. Désormais, c’est le consentement à l’acte sexuel qui importe. C’est pourquoi, sans doute, cette troisième révolution transforme radicalement la condition masculine, comme le montre Ivan Jablonka, éditeur du livre d’Irène Théry, dans Des hommes justes. Du patriarcat aux nouvelles masculinités (Seuil, 2019).

La dissymétrie que nous évoquions, et qui aurait été négligée par les générations précédentes, est désormais fortement contestée par #MeToo   parce que considérée, à juste titre selon nous, comme à l’origine des violences masculines. Mais, l’autrice y insiste, ce mouvement va bien au-delà : il redéfinit l’ensemble des normes d’une « civilité sexuelle ordinaire », fondée sur la valeur du consentement, dans nos démocraties égalitaires. Cette redéfinition, cette « métamorphose des institutions du monde commun », écrit-elle, ne va évidemment pas sans tensions. Et, sur ce point, Irène Théry ne se réfugie pas dans la distance savante, ce qui aurait pu être une tentation compréhensible, tant les passions sont vives. Sa position citoyenne est celle que nous adopterons : il n’est pas contradictoire d’accorder à celles qui dénoncent les violences masculines une « présomption de véracité » et, en même temps, de respecter un principe fondamental du droit, la présomption d’innocence. À condition, toutefois, ajoute-t-elle, que cette dernière ne soit pas dévoyée en principe d’impunité de ces crimes sans témoin que sont les crimes sexuels.

Nous sommes conscient d’avoir laissé dans l’ombre de nombreux aspects de ce livre majeur. Il aurait sans doute fallu évoquer les débats pour demain, comme Irène Théry le fait dans les toutes dernières pages. Mais en avions-nous réellement besoin pour comprendre ce que signifie penser librement ?

 

[Source : http://www.nonfiction.fr]

La escritora colombiana publicó un video sobre el feminismo y los derechos de las personas trans que sabía que podría generar un debate. Pero las repercusiones fueron más profundas y divisivas de lo previsto.

Carolina Sanín autora, profesora y traductora colombiana

Escrito por 
Cuando la escritora colombiana Carolina Sanín describió la tensión que cree que existe entre el feminismo y el activismo transgénero en un video para Cambio, un medio digital, estaba haciendo lo que suelen hacer los columnistas: expresar puntos de vista, sin reservas, sobre un tema de su elección. Sus monólogos previos habían tocado diversos asuntos, desde los pronombres en las redes sociales hasta Cristóbal Colón y la muerte de la reina Isabel II.

Pero con su publicación del 30 de octubre, titulada “La identidad, las mujeres y el mundo siguiente”, Sanín, de 49 años, aterrizó en el centro de lo que definió como una controversia al estilo estadounidense sobre la “corrección política” que ha dividido los círculos literarios en América Latina y que planteó preguntas sobre los límites de la libertad de expresión.

En el video, que era más largo que sus participaciones habituales en Cambio, Sanín expresó su apoyo a los derechos de las personas transgénero, que a menudo son objeto de violencia y discriminación en la región. También dijo que “si se equipara totalmente la identidad de una mujer trans y una mujer que nace mujer” sería como “borrar” la experiencia histórica de ambos grupos y que el activismo transgénero puede reforzar los estereotipos de género.

“Hemos ampliado tanto el ámbito de lo femenino para incluir el mundo como para que ahora las niñas sientan que si no se ajustan completamente a lo esperable de una niña o una adolescente entonces eso quiera decir que, en realidad, son varones”, dice Sanín en el video.

Muchas de las opiniones de Sanín no son diferentes a las expresadas por la autora J. K. Rowling, que han hecho que los actores de las películas de Harry Potter se hayan distanciado de ella. Sus perspectivas también, hasta cierto punto, coinciden con las llamadas creencias críticas de género que se centran en las diferencias entre el sexo biológico y la expresión de género. Sanín ya había escrito sobre algunos de estos temas, especialmente para un artículo publicado en Vice en 2017 titulado “El mundo sin mujeres”, y ha sido etiquetada por algunas personas como una feminista radical transexcluyente (TERF, por su sigla en inglés).

Sanín anticipó que el video podría tener repercusiones en su vida personal y profesional, y así lo dijo al comienzo de la grabación. Al inicio, hubo pocas reacciones. Pero el 4 de noviembre, Sanín tuiteó que Almadía, una editorial que contrató los derechos para publicar dos de sus novelas en México, había cancelado los planes de publicación por sus “cuestionamientos a la política identitaria”.

La controversia estalló cuando escritores de toda América Latina, incluidos algunos de los novelistas más destacados de la región, reaccionaron con vehemencia, aplaudiendo o denunciando la decisión de la editorial, como lo describió Sanín. Almadía no ha respondido a las solicitudes de comentarios ni ha emitido ningún comunicado sobre el incidente.

En Twitter y en algunas entrevistas con medios mexicanos, Sanín insinuó que meses antes de publicar el video había comenzado a tener dudas sobre la situación de su acuerdo con Almadía porque la comunicación con la editorial comenzó a interrumpirse a principios de este año. Dijo que su exagente, quien negoció el contrato, le transmitió la noticia de la cancelación y que el propio editor “nunca le explicó nada”.

Mónica Ojeda, la autora de Mandíbula, obra que está preseleccionada para el 2022 National Book Award for Translated Literature y que toca temas de la feminidad y la adolescencia, tuiteó la frase: “Amando a @Almadia_Edit más que nunca”. Otras personalidades, como la novelista argentina Mariana Enríquez y la escritora mexicana Margo Glantz, cuya obra es referente para el pensamiento feminista en América Latina, cuestionaron la conveniencia de cancelar el contrato de Sanín y expresaron su desacuerdo con la esencia de sus ideas.

“Produce malentendidos que a su vez producen ruido y confusión”, dijo Glantz sobre la cancelación del contrato, y agregó que las opiniones de Sanín se conocen desde hace mucho tiempo. Dijo que los editores de Almadía “siempre han sido impecables” con ella y que considera que Sanín es su amiga.

Cuando Enríquez, quien se ha ganado una reputación como firme defensora de los derechos de las personas transgénero, en parte a través de las representaciones de la sexualidad y la identidad en sus obras, tuiteó su apoyo a Sanín, algunos en Twitter la etiquetaron como una TERF.

El 9 de noviembre, Linterna Verde, una organización sin fines de lucro con sede en Colombia que monitorea la opinión pública en las redes sociales, emitió un comunicado en el que decía que no era posible concluir que la publicación de Sanín hubiera provocado un aumento del lenguaje tóxico hacia las personas transgénero en línea, como lo habían afirmado algunos grupos de defensa. Sanín se negó a hablar con el Times de manera oficial, diciendo que sus puntos de vista habían sido distorsionados y que, por ahora, creía que seguir tratando de explicarse sería contraproducente.

Según Sigal Ben-Porath, profesora de la Universidad de Pennsylvania y autora de Cancel Wars, un libro que se publicará pronto y que se centra en la libertad de expresión en los campus universitarios, el discurso vehemente sobre los temas transgénero tiene sentido, debido a la mezcla de incomprensión y discurso de odio que las personas trans enfrentan a menudo. Ben-Porath dijo que las voces transgénero son “más nuevas y emergentes, y por lo tanto creo que protegen más sus límites”.

“Hay mucho miedo en esta discusión”, comentó Ben-Porath, “temores sobre la seguridad, pero también temores sobre la pérdida de derechos. Lo que nos falta es confianza y creer en una visión compartida para el futuro”.

Al responder a la polémica, Sanín ha expresado en repetidas ocasiones su solidaridad con las personas transgénero. Pero algunos expertos ven los argumentos y el tono de su video como un reflejo de tópicos antitransgénero comunes. Muchos de los puntos de vista de Sanín encajan con un “discurso propagandístico” en el que ideas equivocadas sobre la identidad transgénero se replican a través de las fronteras, dijo Danila Suárez Tomé, becaria del Instituto de Investigaciones Filosóficas de la Sociedad Argentina de Análisis Filosófico.

Suárez comentó que, de hecho, se había logrado “un cambio paradigmático de comprensión de la sexualidad” a través del trabajo y la defensa realizados por los grupos feministas. “Y es completamente normal no entender qué pasa cuando se te saltan las categorías que vos venías usando”, dijo. “Pero hay diferentes formas de acercarse a ese problema y definitivamente una forma no curiosa, no científica, no interesada, no es la adecuada”.

Suárez rechazó la noción de Sanín de que el feminismo y el activismo trans están inherentemente en tensión. Y señaló algunos avances recientes para los derechos de las mujeres en Argentina, que desde 2012 ha tenido una ley de identidad de género pionera, basada en la autopercepción.

“Tenemos evidencia empírica de que el feminismo y el transactivismo no se repelen entre sí, sino que se potencian entre sí”, dijo Suárez.

[ Foto: Jerome Domine/Abacapress, vía Alamy – fuente: http://www.nytimes.com]

La reciente muerte de Francesca “Kitten” Natividad, estrella de los filmes de Russ Meyer, o de Just Jaekin, director de ‘Emmanuelle’, casi en el olvido y el silencio, es un síntoma más de cómo el nuevo milenio está asesinando a Eros en el cine actual

Antes y más allá de ’50 sombras de Grey’ estuvo ‘Historia de O’

Escrito por Jesús Palacios

Fue una de las estrellas eróticas más carismáticas y recordadas, no solo por el tamaño de sus pechos. Protagonista de varias de las míticas producciones erótico-festivas del cineasta Russ Meyer, como Megavixens (Up!, 1976) y Más allá del valle de las ultravixens (Beneath the Valley of the Ultra-Vixens, 1979), Francesca “Kitten” Natividad, fallecida el 24 de septiembre pasado, go-go y artista de burlesque, protagonizó más de sesenta película para cine y vídeo, participando tanto en producciones estándar como My Tutor (1983), Jóvenes alocados (The Wild Life, 1984) o 48 horas más (Another 48 Hours, 1990), como en un buen número de filmes “para adultos”, eufemismo al uso en la industria para referirse el porno explícito o hardcore.

Francisca Isabel Natividad, pareja durante quince años de Russ Meyer, se convirtió como “Kitten” Natividad en un auténtico icono pop, invitada recurrente en shows televisivos, vídeos musicales, documentales y festivales de cine adulto, admirada por figuras como John Waters Quentin Tarantino. En ningún momento se arrepintió de su trabajo y, mucho menos, de sus filmes con Meyer.

En 2004, entre otras ocasiones, lo dejó muy claro: “Estoy orgullosa de ser una chica Russ Meyer. Hay montones de mujeres hermosas con estupendos cuerpos e incluso pechos más grandes que los nuestros, pero no son chicas Russ Meyer. Nosotras somos muy, muy especiales”. Algo que comparten con ella Tura Satana, la increíble Varla de Faster, Pussycat! Kill! Kill! (1965), Uschi Digard, Lorna Maitland, Shari Eubank o Raven De La Croix, todas ejemplos perfectos del ideal de heroína meyeriana: mujeres de bustos hiperbólicos, agresivas, dominantes y siempre superiores a los patéticos ejemplares masculinos habituales en su cine, que se debaten entre la impotencia y la brutalidad, siendo vencidos dentro y fuera de la alcoba.

Francesca Kitten Natividad junto a su Pigmalión, el director Russ Meyer

El cine de Russ Meyer, en sus mejores y también en algunos de sus peores ejemplos, es una lección de sexploitation subvertida desde dentro por una imaginación formal digna de Orson Welles o Eisenstein y por un discurso satírico que pone en tela de juicio los valores más conservadores de la sociedad estadounidense en particular y occidental en general, burlándose del machismo americano, así como de la hipocresía puritana de los fascismos tanto cotidianos como históricos (sus parodias del nazismo no tienen desperdicio).

Naturalmente, sus dosis de violencia gráfica y metafórica, ironía, sexo libre y, de hecho, celebración hipersexualizada del principio femenino, solo al alcance de erotómanos y drag queens de todos los sexos, serían hoy impensables. Por eso, en lugar de seguir los senderos abiertos por su cine, es preferible mantenerlo en la celda acolchada del retro, la nostalgia pop, el camp y el vintage, olvidando que hubo un tiempo en el que Russ Meyer y sus vixens suponían una auténtica avanzada de la liberación sexual, la emancipación y el poder femeninos y la sátira social inteligente.

Que la muerte de “Kitten” Natividad haya pasado casi desapercibida salvo para los fans y algunos medios (eso sí: entre ellos el New York Times), especialmente en nuestro país, es un signo inequívoco de estos tiempos neopuritanos que disocian, de forma esquizofrénica, feminismo y libertad sexual, derechos de género y libertad de expresión.

El empoderamiento femenino versión Russ Meyer

Erotismo de clase « S »

Casi peor es el caso del director francés Just Jaeckin, cuyo fallecimiento el 6 de septiembre de este año fue despachado con una necrológica tan escueta como árida, con apenas las referencias de rigor a Emmanuelle (1974), destacando tan solo que el resto de su filmografía nunca volvió a conseguir el éxito de taquilla y público de su primera película.

Lo cierto es que Jaeckin, excelente fotógrafo de moda, escultor y director artístico de la revista Paris Match en los años 60, además de ocasional realizador de vídeos musicales, creó no solo un fenómeno sociológico sino un estilo cinematográfico que, guste o no, dominó gran parte del género erótico europeo, de mediados de los años 70 a principios de los 80.

Elegante o relamido, esteticista o cursi, pretencioso o inteligente, elija cada cual, el cine erótico de Jaeckin, que llegó a nosotros con una sugerente y sensual “S” avisando de que sus imágenes podían herir la sensibilidad del espectador, parte siempre o casi siempre de prestigiosos originales literarios.

Just Jaeckin, en el centro, junto a sus musas Sylvia Kristel (izquierda) y Corinne Cléry (derecha)

Ya sea la escandalosa Emmanuelle de Emmanuelle Arsan (¿o de su marido Louis-Jacques Rollet-Andrianne? Nos da lo mismo…); ya sea la turbia Historia de O, de Pauline Réage (seudónimo de Anne Desclos), para cuya adaptación contó con la colaboración del escritor Sébastien Japrisot; Madame Claude, según la obra de Jacques Quoirez (hermano de Françoise Sagan) e incluso el gran clásico eternamente censurado El amante de Lady Chatterley de D. H. Lawrence, las novelas elegidas por Jaeckin son de lectura obligada para el amante, nunca mejor dicho, de la literatura erótica en particular y de la literatura en general. El mismo que llora hoy amargamente la desaparición de una colección como La sonrisa vertical, donde, precisamente, se editaran todas estas y otras excelentes lecturas sicalípticas.

En sus versiones para la pantalla, Jaeckin se veía voluntariamente obligado a rebajar el contenido explícito de las novelas, dejando así de lado la tentación pornográfica, equilibrando su narrativa y formato con elegantes dosis de sensualidad estilizada, música sugestiva, fotografía almibarada y decorados decadentes, exóticos y bellamente fotografiados.

Sylvia Kristel y Corinne Cléry figuraron entre sus principales musas. Mujeres delgadas, de pechos pequeños, rostro inteligente y actitud voluptuosa pero desafiante, la primera como la liberada Emmanuelle, la segunda como la voluntaria y gozosamente esclavizada “O”, en esa hierática odisea sadomasoquista que hace parecer Cincuenta sombras de Gray (2015) un telefilme de sobremesa.

Pero también la gélida cámara de Jaeckin supo sacar provecho a la presencia de actores igualmente sensuales e inquietantes como Alain Cuny, Udo Kier, Murray Head, Klaus Kinski o Nicholas Clay. Para el director francés, cuyos filmes satisfacen igualitariamente las inclinaciones de cualquier voyeur, sean cuales sean sus preferencias sexuales, no solo el cuerpo femenino merece el honor de ser cosificado.

Tampoco es cierto que después de Emmanuelle la carrera de Jaeckin cayera en picado. Si bien es verdad que el masivo éxito de Emmanuelle no se repetiría, tanto Historia de O (1975) como Madame Claude (1977) se convirtieron en clásicos automáticos del erotismo cinematográfico softcore (o suave). Su estilo devino seminal (en más de un sentido), contagiando todo el género. Mientras Hollywood tenía su porno chic, más explícito y casi siempre satírico o hasta paródico, Europa presumía con razón de estilo y clase, mucha clase.

‘Gwendoline’, el erotismo más fantástico y cómic de Just Jaeckin

A menudo se olvida también su simpática Hombre objeto (1978), de ambiente circense y romántico espíritu surrealista, dirigida por Jaeckin en coproducción con España y protagonizada por la no menos icónica Dayle Haddon, acompañada por Fernando Rey como jefe de pista. Jaeckin se despidió del cine con Chicas (Girls, 1980), drama adolescente con una jovencísima Anne Parillaud, y con la delirante Gwendoline (1984), que convierte el clásico del cómic sadomasoquista underground en un fantasioso tebeo erótico europeo, más cerca del Guido Crepax de Valentina que del americano John Willie, su creador original. A esas alturas, estaba claro que el cine “S” era ya historia.

La muerte de Eros

Podría creerse que, en cierto modo, el cine erótico “S” tanto como la sexploitation y el porno chic americano, ejemplificado este último por títulos míticos como Garganta profunda (Deep Throat, 1972), El diablo en la señorita Jones (The Devil in Miss Jones, 1973) o Tras la puerta verde (Behind the Green Door, 1972), de directores como Gerard Damiano o los hermanos Mitchell, habían derribado definitivamente los tabúes sexuales de la industria cinematográfica, por lo que ya no tenía mucho sentido seguir abundando en ellos.

El estreno de ‘Garganta profunda’, el porno chic conquista Hollywood.

Tanto las películas “S” de prestigio, como las de Jaeckin, como el porno de calidad que había conquistado los cines de Nueva York y Los Angeles eran productos consumidos por un público adulto y liberal, de clase media e incluso media alta. Era moderno y progresista, propio de personas educadas, maduras y liberadas, entender el sexo y el erotismo cinematográficos, incluso con cierto grado de exhibición gráfica, como algo perfectamente disfrutable, tanto en pareja como en solitario o en cualquier otra combinación posible.

El mayor contenido de sexualidad explícita en el cine de autor y comercial medio, tanto en Europa como en Hollywood, parecía presagiar que pronto no sería necesario etiquetar sus producciones como “S” o “X”, más un cínico reclamo que otra cosa. El fenómeno del éxito de El último tango en París (Ultimo tango a Parigi, 1972) de Bertolucci estaba ahí para demostrarlo. Nada más lejos de la realidad. El SIDA, el neoconservadurismo de la segunda mitad de los 80 y el principio del imperio de la corrección política iban a ser los verdaderos culpables de la muerte del cine erótico.

Pese a la postura lúcida y combativa de muchas feministas de la tercera ola respecto al erotismo y la pornografía, como Betty Friedan o Jamaica Kincaid, de directoras y artistas como Annie Sprinkle y Monika Treut o de pensadoras independientes tan variopintas como Susan SontagMarguerite Duras, Nadine Strossen, Ellen Willis, Angela Carter, Susie Bright, Marcia Pally o, por supuesto, Camille Paglia y Virginie Despentes, entre otras abogadas del diablo en el cuerpo y de la libertad de expresión, ha sido la posición radicalmente antiporno de feministas como Andrea Dworkin, Catharine MacKinnon, Gloria Steinem o Page Mellish, que asimilan e identifican por completo pornografía con violación, tráfico sexual, heteropatriarcado, machismo y cosificación de la mujer, la que está dominando el discurso no solo feminista, sino general, en la sociedad actual y, por tanto, también en la industria y el arte cinematográficos.

El más o menos sutil vacío hecho a las muertes de figuras como las de “Kitten” Natividad y Just Jaeckin representa solo una suerte de metáfora del oscurecimiento y olvido que se está proyectando sobre el papel que el cine erótico y el porno chic, sin olvidar tampoco sus sombras y aspectos oscuros, tuvo en la liberación sexual y la emancipación femenina, desde los años 60, en los que Russ Meyer comenzó su carrera, hasta los 80, en los que Jaeckin abandonó la suya.

El acento puesto por la mayor parte del pensamiento y la ideología dominante, se le denomine corrección política, woke, liberal o progresista, en desterrar el sexo de las pantallas y demonizar no solo la industria del cine para adultos, sino películas como Barbarella (1968), Muerte en Venecia (Morte a Venezia, 1971), El último tango en París, Tamaño natural (1974), Saló o los 120 días de Sodoma (Salò o le 120 giornate di Sodoma, 1975) o El imperio de los sentidos (Ai no korîda, 1976) y a sus directores, está consiguiendo lo que ningún censor franquista ni la Oficina Hays habían logrado antes: hacer realidad el sueño monjil y jesuítico de un cine sin desnudos, sin genitales, sin sensualidad, sin cuerpos (ni mentes) enzarzados en la gozosa y cruel batalla del amor.

Muy lejanas parecen ahora las miradas cómplices y nostálgicas de películas de éxito como Boogie Nights (1997) de Paul Thomas Anderson o el documental Dentro de garganta profunda (Inside Deep Throat, 2005) de Fenton Bailey y Randy Barbato, con su desprejuiciado análisis de la edad dorada del porno. En lugar de, como pretendieran ingenuamente algunos cineastas contemporáneos como Catherine Breillat, Michael Winterbottom, John Cameron Mitchell, Lars von Trier, Abdellatif Kechiche o la propia Virginie Despentes, integrar visualmente el sexo gráfico y el erotismo de forma natural en las historias, incluso aunque estas no sean necesariamente de temática erótica, el cine actual ha vuelto a unos códigos narrativos puritanos, beatos y tímidos, hasta cuando aborda, precisamente, asuntos directamente sexuales.

‘Boogie Nights’, todo lo que querías saber del porno y no te atrevías a preguntar

La trágica paradoja del cine actual es que, en un momento en el que se prescribe casi obligatoriamente la reivindicación del sexo sin fronteras de género, de las relaciones fluidas, del mundo LGTBI+ y del poliamor, los filmes que tratan estos y otros temas afines se prohíben a sí mismos disfrutar con la erótica de la imagen, de los cuerpos y la libido. Se vuelven sus peores enemigos, despojando al espectador del derecho a la fantasía y el placer escópico, a la sublimación de la lujuria animal, la catarsis terapéutica y sanadora del deseo prohibido realizado vicariamente.

Por miedo a ser llamados sexistas, por temor a la cosificación (que es la esencia de todas las artes plásticas), a la descalificación ideológica. En definitiva: por miedo a la censura, se está retornando a un infantilismo en los códigos representacionales y a una infantilización del espectador sin precedentes en la historia del cine, que recuerda la obligación impuesta por el Código Hays a los guionistas y directores de que los matrimonios de película durmieran en camas separadas o a la mano del cura que tapaba la lente del proyector en la sala del colegio, cuando los protagonistas de la película se excedían en el ardor de sus besos o estaba a punto de asomar un seno semidesnudo en cualquier filme de Tarzán o Maciste, para salvaguardar así la inocencia de nuestros ojos infantiles. Con poco éxito, por otro lado.

Paradoja todavía más cruel: mientras la pornografía ha abandonado las posibilidades creativas del cine, tanto comercial como autoral, para reinar sin problema alguno en Internet, en cientos de páginas web a un clic de cualquier menor de edad que tenga portátil o móvil, sin importarle un comino la desaprobación o repulsa de las feministas radicales, el cine erótico para adultos ha sido desterrado de todas las pantallas, excluyendo de la narrativa audiovisual un campo de la experiencia humana tan rico y fundamental como el de las relaciones sexuales consideradas como una de las bellas artes.

Por quién dobla la campanilla… Por la muerte de Eros en el cine (Cinema paradiso, 1988)

No solo es la muerte del cine erótico sino, peor aún: la muerte del erotismo en el cine. Armados y armadas con buenas intenciones, ingeniería social, virtudes liberales teóricamente progresistas y celo moral, se está asesinando a Eros con premeditación y alevosía. Y cuando ya esté bien muerto y enterrado, solo quedará, como en la Era de Ultrón, el reino de Tánatos.

[Fuente: http://www.elespanol.com]

La premio Nobel dio su última entrevista a EL PAÍS el pasado mes de abril

La escritora francesa Annie Ernaux, en Madrid.

Escrito por BERNA GONZÁLEZ HARBOUR

“Detesto a mi padre porque cada mañana la cascada de pis atraviesa el tabique, hasta la última gota”. Son muchas las frases, párrafos y páginas que van convirtiendo ese tabique tambaleante en un muro férreo para separar una infancia de clase popular en el bar de barrio de sus padres de una edad adulta entre libros y habitaciones limpias, pera esta es una de las más expresivas. Annie Ernaux necesitó levantar ese muro para huir de una vida de mugre, hules y cajas destartaladas que se acumulaban bajo el mostrador y que tan bien ha reflejado en Los armarios vacíos, nuevo libro que publicará en unos días Cabaret Voltaire en España, el primero de su carrera en Francia. Ernaux está estos días en Madrid, donde relata su tristeza por la derechización de Francia en vísperas de las elecciones presidenciales de mañana.

El libro retrata esa tensión entre dos clases sociales que la ha convertido en lo que la autora nacida en Lillebonne en 1940, llama “tránsfuga de clase”. A un lado: los clientes que se tambaleaban borrachos al salir del bar dejando vomitonas que limpiaba su madre. Al otro: la educación estirada del colegio de pago y una moralina católica que convertía en pecado su curiosidad. Allí, la vulgaridad a la que no quería pertenecer, aunque pertenecía. Aquí, la “buena educación” a la que tampoco pertenecía, pero llave hacia la formación y las letras. Y en medio, pasadizos que se abrían entre ambos mundos como amenazas de que todo lo avanzado siempre podía retroceder: un aborto, una sonda roja en el extremo de unas pinzas que más que arrancarle una criatura le estaban arrancando una condena a permanecer.

Pregunta. Se ha declarado tránsfuga de clase. ¿Siente que ha traicionado su origen?

Respuesta. Es un sentimiento muy personal que me acompaña desde que me hice profesora, cuando mi padre se estaba muriendo en 1967 y yo estrenaba mi primer trabajo en un instituto con chicos de todos los orígenes sociales. Perdía a mi padre y sentía que le había ignorado, que ya no podíamos decirnos nada más, que nuestra historia se había acabado. Y la conciencia de esos dos hechos simultáneos me recordó el origen del que yo procedía y al que ya no pertenecía. Para mis alumnos yo era la autoridad, la clase dominante, y fui consciente de esa fractura. Ese sentimiento de traición ha crecido, aunque siempre he tomado parte por ellos, por los de mi origen.

¿Ha sentido siempre esa lucha por dejar el pasado atrás?

No estoy segura de que sea una lucha porque la sociedad también la provoca y crea esos tránsfugas de clase. Desde que sacaba buenas notas y me decían en clase que tenía que superar a mis padres, ya estaba atrapada en ese sistema. De alguna manera te sacan del lugar del que sales de forma perniciosa. Yo no vestía como las demás, no era como las demás y mi venganza fueron las notas.

Ernaux, premio Formentor de 2019, autora que ha encontrado su reconocimiento más sólido en los últimos años, es conocida como la gran maestra de la literatura de la intimidad, de la autoficción y, sobre todo, como la escritora que ha sabido retratar toda aquella experiencia femenina que no tenía reflejo literario. Lo ha hecho en La mujer helada, en Pura pasión, Una mujer, Los años y más de veinte obras que hilan ese tejido íntimo, personal, con que ha ido describiendo su vida contra los elementos.

La literatura nos ha ofrecido modelos de mujer retratados por hombres: Madame Bovary, Anna Karenina… ¿Cree que lo hicieron con fidelidad?

Cuando Flaubert escribió Madame Bovary estaba hablando de mujeres, sí, pero se puede decir que no era su problema. Escribía con su visión, con su comprensión de las mujeres, y está bien conseguido desde ese punto de vista. Yo me reconocí en Ana Karenina y su capacidad de vivir una pasión como la que siente por Vronsky, por ejemplo. En mi caso, yo siempre me siento exterior a lo que escribo. Para mí la escritura es una búsqueda de la verdad de las situaciones, de los afectos, de todo lo que ocurre en la vida.

¿Y hay una verdad literaria distinta de la verdad de la vida?

Es que la verdad de la vida la encuentro en la literatura, la encuentro escribiendo. La verdad de la vida está en trozos, en atisbos, en sentimientos que no son necesariamente la verdad. Y la escritura es el medio para expresarlo, nunca de forma definitiva porque eso no existe, nunca hay una verdad definitiva. Esa es la trampa del lenguaje. Cuando empleamos palabras en la vida parece que nos lo hemos dicho todo de forma absoluta, pero esto es mucho más complejo. Yo no me fío de las palabras, no me fío del todo de las palabras. Corrijo: me fío de las palabras solo cuando están colocadas en una estructura en la que la frase, el párrafo y esas palabras van a ayudar a construir el libro.

¿Cómo encuentra le mot just, esa palabra exacta, como decía Flaubert? ¿Le resulta difícil, escribe y reescribe?

Sí, para mí es difícil, pero no hago correcciones sin fin. Puedo esperar a que surjan las palabras, a que ocurran. Quito muchas de mi cabeza, no de la página. Escribo mucho mirando hacia arriba, esperando a que las cosas me vengan de la memoria. Puedo mirar la página en blanco mucho tiempo.

¿Qué lugar siente que ocupa en la literatura? ¿En la literatura de la intimidad, de la autoficción?

Todo eso son palabras. Para mí la escritura es el medio de aclarar las cosas que he sentido y que hasta ahora no tenían una realidad. Lo hago a través de mi propia experiencia, de ahí el término autobiográfico. Es un trabajo a la vez que una búsqueda de la realidad a través de la intimidad y a través de lo personal, que no es lo mismo. Se trata de buscar la realidad a través del sentir personal, sí, es eso.

¿Se sitúa en un espacio de literatura de mujer?

Los hombres han escrito sobre mujeres y ahora al fin las mujeres están escribiendo sobre sí mismas, es una realidad histórica y sociológica. Y ha venido poco a poco. Olympe de Gouges reclamó que si podemos subir al cadalso a que nos ahorquen también podemos escribir.

¿Pero existe una literatura de mujeres?

No, creo que no. Pero hay ámbitos en los que las mujeres son capaces de explorar su propia experiencia y que los hombres ignoran porque no lo han experimentado: solo una mujer puede explorar su propia sexualidad o la maternidad. En Los armarios vacíos hablo de un aborto clandestino porque para mí era fundamental y quería hacerlo. También hablo del deseo, del cuerpo. En La mujer helada he descrito la desigualdad entre dos estudiantes de letras que se casan. Siempre he tenido conciencia de que tenía que escribir sobre la vida real de las mujeres, era una obligación. Nunca he separado las dos cosas.

Usted pertenece a la generación del 68. ¿Se han cumplido los sueños de esa generación?

No. No. No. Hemos conseguido cosas capitales para las mujeres, como el control de la producción o la contracepción, pero no es suficiente. Las mujeres que hoy tienen 40 o 50 no pueden saber lo que era la vida antes del aborto legal y la contracepción, había que renunciar a la sexualidad o vivir siempre en el miedo. Hemos conseguido esas libertades, pero nos habíamos olvidado de que los hombres no habían cambiado.

¿Y no han cambiado todavía?

La sociedad ha seguido más o menos igual, al menos en Francia, una sociedad bastante machista, con hegemonía masculina. En el trabajo, en el interior de la pareja, de las familias o en las relaciones sexuales ha habido un privilegio masculino, las mujeres se tenían que callar cuando eran víctimas de violación o de comentarios, siempre había que estar a disposición del hombre. Eso ha evolucionado poco a poco. Gracias a la educación mixta, al acceso a los estudios, pero incluso en los años 2000 la palabra feminismo no estaba bien vista. El Me Too sí ha supuesto un antes y un después.

¿Y la moral católica que describe? ¿Pervive su dominio?

La moral católica ha desaparecido a la vez que la religión católica. En Francia el islam ocupa un gran espacio y la religión católica se ha evaporado literalmente. Quedan los bautizos, bodas, entierros… Para la moral católica del siglo XX el cuerpo era fuente de pecado.

¿Cómo explica que el domingo compitan dos opciones de derecha en Francia, sin izquierda? ¿Francia se ha hecho de derechas?

Sí, sí. Es un país de derechas, pero con una gran fuerza en torno a la Francia Insumisa, Mélenchon, que se ha despertado. El Partido Socialista nunca dejó de llegar a acuerdos con el liberalismo y abandonó a las clases populares en los noventa.

¿Y por qué se ha hecho Francia de derechas?

Porque los partidarios de esas opciones abogan por el orden, porque tienen miedo a la presencia de una inmigración que ha sido demonizada y en la que no solo es responsable la familia Le Pen. Mitterrand tuvo un papel, Chirac también, que hablaba del “olor” de los inmigrantes, que les estigmatizaba. Y el asunto del velo… cuando llegaron chicas veladas y muchos lo convirtieron en asunto de Estado. Y no hemos salido de ahí, ese discurso del velo lo ha usado la derecha y desgraciadamente también los socialistas y al final han fortalecido al partido de Le Pen. Estoy profundamente triste por lo que está pasando en Francia porque hay una parte de mi país que está realmente apartada. Yo no me reconozco ni en uno ni en otra y percibo el sentimiento de que Francia va a ser gobernada solo por una parte de su población. La gente no se va a reconocer en sus gobernantes y una parte de Francia se sentirá totalmente excluida.

En todo caso, concluye esta escritora partidaria de Mélenchon, el domingo irá a votar a Macron por una razón clara: “Me da miedo que gane la extrema derecha”.

 

[Foto: INMA FLORES – fuente: http://www.elpais.com]

Dans «Garçonnières», son premier long métrage, la réalisatrice vaudoise interroge une trentaine de jeunes spécimens mâles. Il ressort de ces rencontres un étonnant portrait de la virilité contemporaine

Céline Pernet, cinéaste, à Lausanne le 06 septembre 2022.

Écrit par Antoine Duplan

Et la femme créa l’homme. Ils sont une trentaine de gars, entre 30 et 45 ans, à s’asseoir devant la caméra pour parler d’amour, de paternité, de désir, de porno, de drague, voire de leur «bite», comme ils disent. Certains rigolent, d’autres ont les larmes aux yeux, tous tiennent un discours étonnamment libre et franc face à Céline Pernet, qui signe avec Garçonnières son premier long métrage, un instantané tendre et passionnant de la condition masculine, plus empreinte d’incertitude que de toxicité en ce début de IIIe millénaire.

Dans sa prime enfance, Céline portait une jolie petite robe de velours bleu. Gavée de contes de fées, elle a grandi dans les années 1990, «un no man’s land en matière de féminisme», comme en attestent Pretty Woman ou l’omnipotence des boys bands, ces groupes de garçons «parfaitement musclés et luisants qui tombaient les filles». Elle rêvait de devenir princesse, jusqu’au jour où elle s’est rendu compte que son destin était ailleurs. «La chute a été rude», rigole-t-elle, observant au passage qu’elle n’a jamais vu de garçon aspirer à devenir prince charmant – «Nous sommes un peu seules dans nos contes de fées»…

Démarche féministe

Née à Nyon, siège d’un festival international du cinéma documentaire, Céline Pernet conserve le «souvenir hyper-puissant» d’un film sur les enfants malades vu à Visions du Réel. «Vachement ébranlée», elle avait dû quitter la salle pour se rafraîchir. «Jamais je n’aurais imaginé que le cinéma pouvait produire autant d’émotion.» Aujourd’hui, elle apprécie Ulrich Seidl, qui étrille sans pitié la société autrichienne dans des films d’une grande rigueur formelle, ou Runar Runarsson, susceptible d’évoquer l’Islande à travers 50 tableaux en plan fixe.

Lors de ses études en anthropologie sociale et culturelle, découvrant qu’on peut mélanger l’image et le récit ethnographique, elle se destine à devenir journaliste reporter. Elle rencontre par hasard Stéphane Goël, un réalisateur et producteur qu’elle admire. Il lui propose un stage chez Climage, association lausannoise de création et de promotion de documentaires liés à des problématiques sociales, culturelles et historiques. Puis il l’engage comme assistante sur Fragments du paradis. Elle travaille ensuite sur Les Dames, de Véronique Reymond et Stéphanie Chuat. Enfin ses collègues lui disent: «Céline, il est temps que tu fasses ton propre film.» Elle se marre: «Ils ne savent pas à quel point je les ai observés, comment j’ai décortiqué leurs interactions, regardé leur manière de parler plus fort que l’autre»… L’être humain mâle, ce produit d’un environnement social, historique, économique et culturel, sera l’objet de Garçonnières.

Convaincue qu’aborder les nouvelles masculinités fait partie intégrante d’une démarche féministe, la réalisatrice débutante passe une annonce en 2019 et reçoit une trentaine de réponses. Une pandémie plus tard, une seconde annonce en suscite près du double: le confinement a donné des envies d’introspection. Ayant bouclé son casting, Céline Pernet s’est rendue chez ses personnages. Elle a installé dans leur salon un dispositif susceptible de les mettre en confiance, «comme une sorte de confessionnal», et passé plus de trois heures à dialoguer, à prospecter auprès du sexe dit fort une «complémentarité», soit cette «intelligence émotionnelle» qui serait l’apanage des femmes.

Vieux fantasme

Gironde et rieuse, Céline Pernet n’a pas la langue dans sa poche ni froid aux yeux. Elle se met en scène dans Garçonnières. La célibataire sans enfants évoque en voix off son usage des applications de rencontre, ses 476 matchs et les quelques «petites histoires aussi sympathiques qu’éphémères» qui en résultèrent. Sans craindre de passer pour une «fille légère», comme on disait? «Oh non! Pas en 2022! Pas de problème! Au contraire: les filles, éclatez-vous!» Aujourd’hui, la luronne a renoncé à ces pratiques grisantes avant de devenir lassantes: «On n’y trouve pas la magie des rencontres de la vraie vie.»

Seule meuf, comme elle dit, chez Climage, Céline a bien fait rire ses collègues en leur racontant ses plans cul – «Mais tu ne connais pas les nôtres», lance Stéphane du fond du studio. Parce qu’elle avait envie de récolter la parole des hommes, mais aussi de se confronter aux entre-soi masculins, la cinéaste a assouvi dans Garçonnières un vieux fantasme, brisé un tabou en s’introduisant dans le vestiaire des garçons, footballeurs et hockeyeurs! Elle y a découvert que dans cette intimité moite et musculeuse les conversations portent davantage sur des soucis d’intendance domestique ou d’horaires professionnels qu’elles ne tournent autour du membre viril.

Céline Pernet entrecoupe ses entretiens de plans consacrés à quelques activités éminemment testostéronées – carriers dynamitant une falaise, tirs militaires ou tontes de topiaires phalliques… Autrement dit, le «masculin de l’espace public», une dimension forcément plus spectaculaire que son équivalent féminin – maîtresse d’école, infirmière, etc. De toute façon, la démarche de Garçonnières ne nécessite nulle transition de genre, quelque Bonbonnières où viendrait s’épancher le sexe dit faible, car «parler du corps et de la sexualité des femmes, cela se fait depuis la nuit des temps – sans leur consentement», persifle-t-elle.


Repères

1986 Naissance à Nyon.

2011 Master en anthropologie sociale et culturelle.

2012 Fait ses débuts à Climage.

2017 Assistante sur le tournage des «Dames».

2022 Sortie de «Garçonnières», avec de nombreuses projections spéciales organisées par l’association Ciné-Doc.

 

[Photo : Dom Smaz – source : http://www.letemps.ch]

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