Nombre des propositions du Rassemblement national (RN) et de ses alliés pour les législatives se heurtent aux objectifs européens de réduction de gaz à effet de serre inscrits dans le Pacte vert européen.  

Le président du parti d’extrême droite français Rassemblement national (RN) et principal eurodéputé Jordan Bardella (à l’écran) s’exprime lors de l’audition des candidats aux élections législatives organisée par le Mouvement des entreprises de France (Medef), à Paris, France, le 20 juin 2024.

Écrit par Paul Messad 

Le programme porté par le parti d’extrême-droite du RN et par ses alliés, dévoilé lundi (24 juin) par leur leader Jordan Bardella, prévoit une bonne dizaine de mesures relatives à l’écologie (énergie, climat, environnement).

Outre celles qui contreviennent au droit européen de la concurrence, sans pour autant être contraires aux objectifs climatiques de l’Union, et celles qui encouragent la réindustrialisation, nombre des mesures du RN vont à l’encontre des objectifs du Pacte vert européen (Green deal, en anglais), qui vise la neutralité carbone à horizon 2050.

Contre ce qu’il appelle « l’écologie punitive », le RN explique d’ailleurs vouloir « abolir » ce Pacte vert. À défaut, de « renoncer » à une bonne partie des mesures qu’il contient, comme par exemple l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs en 2035.

Le retour des véhicules thermiques

En 2026, la Commission européenne pourrait saisir l’occasion d’une réévaluation prévue de l’objectif d’interdire la fin de vente des véhicules thermiques en 2035 pour lancer une procédure de modification de la cible.

Si l’exécutif européen dispose seul de ce pouvoir, « il n’est pas imperméable à une éventuelle pression des États membres et devra prendre en compte qu’un Parlement européen plus à droite pourrait vouloir revenir sur l’objectif », explique à Euractiv Phuc-Vinh Nguyen, chercheur en politique énergétique à l’Institut Delors et auteur d’une étude sur la faisabilité du détricotage du Green deal, ce qu’il juge « irréalisable politiquement parlant ».

Faire reculer ou abolir l’objectif doit, in fine, être adopté à la majorité qualifiée des États membres. « Le RN ne peut donc pas seul ‘renoncer’ à la mesure comme il le prétend », poursuit le chercheur.

La suppression des Zones à faibles émissions

Dans son programme, le RN veut également « supprimer » les Zones à faible émissions (ZFE), ces espaces interdits à certains véhicules en fonction des normes de pollutions prévues dans la directive européenne sur la qualité de l’air.

Si elles ne sont pas obligatoires, « il est virtuellement impossible de respecter les normes de pollution sans ZFE, dans les zones où le trafic est important », explique à Euractiv Zachary Azdad, chargé de missions « véhicules » auprès du think tank Transport & Environnement.

Ainsi, « bannir les ZFE condamnerait la France à recevoir des amendes », poursuit-il.

La baisse de la TVA sur les énergies

Parmi les mesures d’urgence que Jordan Bardella souhaite mettre en place dès l’été s’il est nommé Premier ministre, figure la baisse de 20 % à 5,5 % de la TVA sur les produits énergétiques. Possible pour l’électricité et le gaz, cette baisse est interdite pour les carburants.

Le seul moyen d’y parvenir serait de négocier avec la Commission européenne pour obtenir une dérogation temporaire et circonstanciée au droit communautaire ou demander une modification de la directive sur la TVA, ce qui prendrait plusieurs années du fait notamment de l’unanimité nécessaire entre les États membres.

Quoiqu’il en soit, cette mesure « encouragerait les ménages […] à moins se soucier des alternatives à la mobilité thermique. Le développement du véhicule électrique s’en trouverait pénalisé »alerte Nicolas Goldberg, responsable du pôle « énergie » du think tank progressiste Terra Nova.

Haro sur les énergies renouvelables

Du côté des énergies renouvelables intermittentes, le RN et ses alliés veulent revenir sur leur développement.

Sur le solaire, ils demandent des barrières douanières pour ne pas pénaliser l’industrie européenne. Certains acteurs du secteur avancent toutefois qu’une telle mesure pourrait entraîner un risque de ne pas atteindre les objectifs climatiques et énergétiques de l’UE.

Sur l’éolien, le RN assume sa volonté d’un moratoire et souhaite ne pas renouveler les parcs arrivant en fin de vie.

Mécaniquement, ces mesures s’opposent aux objectifs de développement des « énergies renouvelables » de l’UE inscrit dans la directive éponyme.

« Refuser l’éolien ou le solaire comme le propose le RN […] est à la fois néfaste pour le climat et susceptible de prolonger la dépendance française aux combustibles fossiles importés », écrit dans une tribune pour Marianne, Maxence Cordiez, expert associé énergie et climat du think tank libéral Institut Montaigne.

Fin d’interdiction de vente et location des passoires thermiques

Côté logement, le RN souhaite « abroger » l’interdiction de vente et de location de biens en raison de leurs mauvaises performances énergétiques.

Cette mesure n’est pas prévue par la directive modifiée sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD), qui prévoit des niveaux minimaux de performance pour louer ou vendre seulement pour les bâtiments non-résidentiels.

Néanmoins, « la proposition du RN entre en contradiction avel’esprit de la directive et n’aidera pas à l’atteinte des objectifs de performance énergétique des bâtiments », veut croire Phuc-Vinh Nguyen.

Sortir des règles du marché européen de l’électricité

Enfin, le président du RN remet également en cause la règle du marché de gros de l’électricité européen, qui calque peu ou prou le prix de l’électricité sur le coût de production le plus élevé à l’instant T.

Sans gaz russe, abondant et peu onéreux, le système s’est emballé pendant la crise de l’énergie. Jordan Bardella préconise ainsi une dérogation temporaire à la règle de fixation du prix, ce dont ont bénéficié l’Espagne et le Portugal au plus fort de la crise énergétique.

« Il est très probable que la Commission européenne réponde que la France est déjà sous dérogation et que, pour avoir un prix proche des moyens de production, il y a déjà les CfD »note pour Euractiv Nicolas Goldberg.

La France jouit en effet d’une dérogation par le biais du dispositif dit de l’« Arenh », en vigueur jusqu’à fin 2025 avant remplacement, qui gèle une partie du prix de l’électricité payé par les ménages.

Concernant les contrats pour différence (CfD) applicables sur les actifs nucléaires, ils permettent de plafonner le prix de l’électricité, redistribuer les surplus, tout en assurant une garantie de revenu pour EDF, « ce qui pourrait amener à des contreparties », estime Nicolas Goldberg.

 

[Photo : EPA-EFE/Teresa Suarez – source : http://www.euractiv.fr]