À l’occasion des vingt ans de la mort du compositeur et écrivain Paul Bowles, suivez-nous à Tanger où l’Américain nomade a posé ses valises de 1947 à 1999. L’auteur de Un thé au Sahara, qui sera son premier roman et son plus grand succès, est encore aujourd’hui célébré dans la cité marocaine, qui cultive mystères et mythes autour de tous les artistes occidentaux qui sont venus y chercher l’inspiration.

Sur les traces de Paul Bowles dans la casbah de Tanger.

Écrit par Céline Develay Mazurelle

Après avoir fui les États-Unis très jeune au début des années 30, Paul Bowles fait du voyage un mode de vie. Dans l’entre-deux guerres, il sillonne le monde en compagnie de sa femme Jane, tout en composant des musiques de scène pour Broadway. Mais en 1947, celui qui n’avait jamais eu de vrai port d’attache, finit par s’établir dans la cité du Détroit. Il y découvre alors l’atmosphère cosmopolite et interlope de la Zone Internationale qui va durer jusqu’à l’indépendance du Maroc en 1956.
À Tanger, Paul Bowles devient pleinement écrivain. Et dans ses romans, il n’a de cesse de confronter ses personnages, voyageurs occidentaux en quête d’absolu, à la cruauté de l’Ailleurs et de l’Autre, cet étrange étranger.
Consacré malgré lui chef de file de la bohème nord-américaine de la Beat Generation, Paul Bowles a indubitablement contribué à faire connaître Tanger auprès de Jack Kerouac, Allen Ginsberg, William Burroughs ou Tennessee Williams. Mais tous sont de passage, alors que Bowles, venu pour un été, va y résider toute une vie. Sur place, dans cette « dream city », comme il l’appelait, le romancier en exil finit par se fondre dans le décor. Il apprend quelques mots d’arabe dialectal, part en campagne d’enregistrement de musiques traditionnelles et traduit en anglais les récits d’auteurs marocains jusque-là anonymes comme Mohammed Mrabet ou Mohammed Choukri. En 1999, il s’éteint, le jour de l’anniversaire de l’indépendance du Maroc.
Aujourd’hui, de la Légation américaine à la librairie des Colonnes en passant par le café Hafa ou le Petit Socco, on convoque encore la mémoire de cet Américain à Tanger, figure aussi insaisissable que sa ville d’adoption.
Un reportage d’Inès Edel-Garcia.

À découvrir à Tanger :
– Au sein de la médina, le musée de l’ancienne Légation américaine abrite un espace consacré à l’écrivain et compositeur américain Paul Bowles. On y découvre ses valises, ses ouvrages, des photos de Paul Bowles en compagnie d’artistes de passage comme ceux de la Beat Generation. On y découvre aussi de multiples enregistrements sonores.
– À la lisière du quartier du Marshan, non loin du consulat d’Espagne, vous reconnaîtrez peut-être l’immeuble Itesa, un édifice d’architecture assez brutaliste où se trouvait le dernier appartement de Paul Bowles. Dans le hall, à côté de l’ascenseur, une plaque est érigée à sa mémoire.
– En sortant de la casbah par le nord-ouest (Bab Kasbah) et en longeant le littoral en direction du Cap Spartel, vous tomberez sur le Café Hafa, fondé en 1921. Ce café en escaliers, perché sur la falaise et dominant le front de mer, a vu défiler de nombreuses célébrités, dont Paul Bowles.
– En face de l’hôtel Rembrandt, vous apercevrez le discret bar-restaurant Number One. À l’intérieur, vous pénétrerez dans un décor un peu désuet avec aux murs une collection de photos, affiches, tableaux de peinture, proverbes, etc. Karim, le propriétaire, en a fait un petit musée personnel qui entretient la nostalgie de l’InterZone.
– Dans la ville moderne, boulevard Pasteur, se trouve la Librairie des Colonnes, lieu de passage obligé de nombreux écrivains d’hier et d’aujourd’hui. C’est la plus ancienne librairie de la ville.

À lire :
Par Paul Bowles :
– Un thé au Sahara. Éditions Gallimard, 1949 (roman)
– La maison de l’araignée. Éditions Livre de Poche, 1955 (roman)
– La jungle rouge. Éditions Gallimard, 1966 (roman)
– Réveillon à Tanger. Éditions Gallimard, 1987(recueil de nouvelles)
– Leurs mains sont bleues. Point Éditions, 1963 (récit de voyage)
– Mémoires d’un nomade. Quai Voltaire, 1972 (autobiographie).

Sur Paul Bowles :
– Robert BriattePaul Bowles 2117 Tanger Socco, Plon, 1989
– Mohamed ChoukriPaul Bowles le reclus de Tanger, Quai Voltaire, 1997

À écouter :
– The music of Paul Bowles, BMG, 1996 (CD)
– Une série en deux épisodes sur la musique de Paul Bowles, diffusée en 2013 sur France Musique à l’occasion du Festival Livres & Musiques de Deauville
– Music of Morocco : from the Library of Congress, Dust to digital, 2016 (CD)
– Aux États-Unis, la Library of Congress a numérisé sur un site l’ensemble des enregistrements de musiques traditionnelles marocaines qu’a réalisés Paul Bowles en 1959, grâce à la bourse de la Rockefeller Foundation.

À voir :
Un thé au Sahara (The Sheltering Sky), un film de Bernardo Bertolucci avec John Malkovich et Debra Winger sorti en 1990.
– Un Américain à Tanger, un film documentaire de Mohamed Ulad-Mohand, réalisé en 1993.

[Photo : Inès Edel-Garcia – source : http://www.rfi.fr]